Roman érotique

Dimanche 26 juillet 7 26 /07 /Juil 07:15

joy argentoMa chère Lola,

J’ai été heureuse d’avoir de tes nouvelles, de savoir que tout va bien dans ta vie d’étudiante à l’école d’infirmières d’Orléans. J’espère que nous aurons l’occasion de passer du temps ensemble aux vacances.

 

L’attitude de Sarah au réveil, le lendemain de ma nuit dans son canapé, me laissa un goût amer. Elle était redevenue la gentille copine un peu trop vieille pour chahuter avec une gamine comme moi. D’accord, elle a 27 ans et moi 18, mais en quoi cette différence pose-t-elle problème.

Dès le petit déjeuner pris dans la cuisine, j’ai eu l’impression d’être à l’école. Elle avait établi le programme de la journée avec minutie. Sarah voulait m’apprendre à choisir les vêtements pour mettre ma silhouette en valeur, à me maquiller, à m’épiler, à marcher, même à sourire. Des cours de maintien du matin au soir. On croirait qu’elle joue à la poupée et que je suis sa Barbie. C’est sympa mais frustrant.

Je lui signifiai en fin de journée mon intention de sortir. Sarah proposa une soirée au cinéma. Mais je désirais autre chose. Lola, tu connais mon entêtement, elle accepta de me guider à travers les établissements lesbiens du Marais.

 

On atterrit au Nix Café vers 21 heures. L’affluence du vendredi ne se compare pas à celle de la semaine, et trouver une table fut un exercice de patience.

– Je t’offre le champagne pour fêter notre future collaboration, balançai-je, heureuse de faire un geste.

En effet, Sarah avait pris la décision de me proposer un contrat le lundi suivant. J’avais accepté à la condition que ça ne m’empêche pas de reprendre mes études. Mon oncle Alain ne mérite pas d’être trahi. De plus, j’en ai réellement envie.

Nous ne restâmes pas seules longtemps. Les places assises en nombre limité par rapport à la foule présente, notre table se trouva envahie par des connaissances de Sarah. L’appréhension de la première sortie en public passée, je me sentais bien parmi ces jeunes femmes, entre 20 et 30 ans, à la conversation enrichissante. J’apprenais sans en avoir l’air à reconnaître une attitude, à capter dans un regard le message subliminal, à interpréter un geste anodin, à déchiffrer autant de signaux qui établissent le code lesbien dans son ensemble.

La butch est le type parfait de la lesbienne masculine, telle que les hétéros la représentent. Elle arbore sans complexe les attributs vestimentaires masculins, de la casquette au costume cravate, et assume sa sexualité comme une appartenance politique.

La fem, abréviation de féminine, donne une image totalement contraire. Elle abuse en général de maquillage, des talons démesurés, et dénature la mode féminine en la poussant à son extrême, par esprit de revendication.

La lipstick se distingue par la confusion qu’elle sème. Elle adopte le code vestimentaire et le comportement des femmes hétéros, et ne revendique sa sexualité par aucune marque visible. Les mecs la draguent dans la rue ou dans les bars, et s’étonnent de prendre des râteaux. Á l’inverse, on la laisse tranquille dans les lieux de drague lesbiens, croyant qu’elle s’est trompée d’adresse.

Ainsi, sans le savoir, je suis une lipstick, une image policée de la lesbienne bien intégrée dans la société. Cette représentation me convient. D’abord je trouve honteux un amalgame trop facile dans le comportement sociétal. On dit l’arabe, le noir, la lesbienne, le pauvre, et bientôt le malade à différencier du bien-portant ? Personne ne choisit sa couleur de peau, il n’est pas plus permis de choisir son orientation, c’est comme ça.

Pour l’heure, j’étais davantage tourmentée par le besoin de passer à l’acte que par l’avis de la société à mon sujet.

 

Sarah me présenta comme son nouveau model officiel. Son attitude à mon égard se voulait un savant dosage de protection, d’amitié, et d’un intérêt plus inavouable. Ce dernier point incitait ses copines à épier un mot ou un geste, le signe évident d’une liaison amoureuse en devenir. J’aurais voulu les contenter, mais je n’en avais pas le droit.

Ces nanas formaient une représentation assez juste de la société avec trois travailleuses et deux étudiantes, la sixième en recherche d’emploi. Sarah faisait le lien, elles m’intégraient donc à leur groupe avec bonhomie, et j’acceptais avec beaucoup de plaisir de suivre le mouvement. Il était facile de trouver des points communs à nos parcours respectifs. Je reconnaissais sans honte être novice dans le milieu lesbien, malgré la certitude de mon identité sexuelle ancrée depuis toujours en moi. Cette franchise provoquait des remarques compatissantes.

L’alcool me rendait euphorique, mes inhibitions tombaient les unes après les autres, et le sexe cessa d’être un sujet tabou. Ma niaiserie avouée ne provoqua aucune moquerie. Les fringues ne sont pas l’unique sujet de discussion entre nanas. D’abord la franchise du vocabulaire. Un cul est un cul, on parle de coucher pour une aventure sans lendemain, de faire l’amour pour un couple établi. C’est sans doute là, ma chère Lola, que la différence se fait entre le monde des adultes et celui de l’adolescence, le fait de ne pas être passée à l’acte n’est pas un prétexte à l’exclusion, mais plutôt à la compréhension.

Pour en revenir à la soirée, l’arrivée d’une jeune femme brune, environ 25 ans, provoqua un remous dans notre assistance. Elle toisa chacune d’entre nous, puis s’imposa sur la banquette à ma droite. Je me retrouvai donc coincée entre la nouvelle venue et Sarah, qui parut soudain moins à son aise. Malgré la gentillesse affectée, le malaise entre elles se devinait.

Muriel était en fait l’ex de Sarah, et la rupture remontait à moins d’un mois. Aucun doute, elles avaient éprouvé des sentiments l’une pour l’autre. Ne restait qu’une rancœur inavouable, comme une impression de gâchis.

 

Le débat reprit sur le sujet brûlant de la croisière annuelle organisée par un voyagiste, réservée aux lesbiennes. Certaines y voyaient l’occasion de s’amuser entre nanas, d’autres saisissaient un message politique. La discussion restait toutefois bon enfant, chacune respectant l’idée de l’autre. Moi, ignorante de l’existence d’un tel évènement, j’écoutais en silence. Quand soudain…

Une situation, dont j’étais le centre d’intérêt, devint pour le moins ambiguë : une main de Muriel se fit insistante sur ma cuisse. Sidérée par un tel comportement, je n’osais pas bouger, de peur que les autres ne se rendent compte du manège. Peut-être était-ce le geste amical d’une de ces personnes qui éprouvent le besoin d’établir un contact physique afin d’attirer l’attention, tout le monde connaît au moins un individu incapable de parler sans toucher le bras de son interlocuteur.

Attendre et voir venir, telle était mon intention. En fait, je n’ai pas eu à attendre longtemps pour la voir venir. Ses regards sur moi devinrent vite embarrassants, de véritables appels à une débauche charnelle, sa main glissa vers mon entrejambe. Muriel se moquait de mettre toute la tablée dans l’embarras. Dépassant ma timidité, je m’écartai d’elle. Le sursaut me projeta contre Sarah. Celle-ci posa un bras protecteur sur mon épaule, son regard soutenu investit le mien. Je devinai mon univers étroit sur le point de voler en éclats.

Elle se pencha, effleura ma bouche d’un doigt, comme on caresse un fruit avant de le goûter, pour enfin répondre à mes attentes. Ses lèvres humides se pressèrent contre les miennes, avides, tremblantes, chaudes. Je lui rendis son baiser, oubliant ma niaiserie, savourant la passion de cet instant magique.

Vexée de me voir préférer son ex, Muriel nous abandonna avant même d’avoir bu un verre. Personne ne sembla la regretter. Un doute s’insinua dans mon esprit : Sarah m’avait peut-être embrassée par esprit de compétition, pour ne pas laisser l’autre gagner la partie. Sa main droite toujours sur mon épaule, la gauche enserra mes doigts sous la table, dans un geste d’une exquise douceur. La magie perdurait.

Le fil de la soirée reprit là où il avait été abandonné au moment de l’interruption, comme le déroulement logique d’un film après un intermède publicitaire. Aucune autre marque visible de tendresse ne se fit en public, mais c’était sans importance. Même quand sa main droite déserta mon épaule, la gauche prolongea le contact avec mes doigts sous la table, comme une promesse.

 

La raccompagner chez elle s’imposa sans un mot à notre sortie du Nix Café, une entente tacite incluant tout ce qui pouvait, ou devait, arriver pendant la nuit. Notre démarche lente permit à mon âme de s’imprégner de ce moment particulier, une parenthèse avant le grand saut dans l’inconnu, un silence qui n’en était pas vraiment un, une acceptation de l’inéluctable. Et Sarah, à quoi devait-elle penser sur les sept cents mètres environ nous séparant de son nid. La clé dans la serrure brisa le silence, la porte se refermant sur nous claqua comme un avertissement.

On ne se jeta pas l’une sur l’autre, pressées d’en venir à l’essentiel. Nous demeurâmes un long moment dans l’entrée, entre la cuisine et le salon, les yeux dans les yeux, à nous laisser porter par nos émotions. On avait chacune les nôtres, il nous fallait les mettre à l’unisson avant d’aller plus loin, de passer le cap.

Je glissai dans ses bras, à la recherche d’un second baiser. De nouveau son odeur, ses mains sur mon visage, ses lèvres, sa bouche, sa langue lovée autour de la mienne. J’ignorais par manque de pratique si je m’y prenais bien, ça me plaisait, naturellement. Je me régalais de sa salive. Je portai dans l’ivresse de l’inconscience mes bras autour de son cou.

On se retrouva assises sur le canapé, à s’embrasser encore, un peu plus collées l’une à l’autre, nos jambes se cherchèrent, se frôlèrent, se trouvèrent. Rien de sexuel encore, juste un contact à travers nos vêtements, un flirt à peine poussé. Je caressai son visage tandis que ma langue fouillait sa bouche, j’apprenais à le reconnaître. Les bras passés sous les miens, Sarah s’accrochait à mes épaules, maintenait nos bustes soudés.

Quand le souffle nous manqua, chacune retira ses vêtements en silence, sans regarder l’autre. Puis, me tenant par la main, elle m’entraîna dans la chambre d’un pas redevenu lent.

 

Sarah assise à la tête du lit, moi lovée contre elle, nos corps firent enfin connaissance. Son sein gauche écrasé par mon sein droit, je caressai l’autre aussitôt. Sa réaction me ravit. Mon amante se prit au jeu et massa mon globe à pleine main. Mon premier soupir se perdit dans sa bouche.

Abandonnant mes lèvres, Sarah embrassa ce sein qu’elle câlinait si bien et goba mon téton qui s’allongea sous sa langue. La merveilleuse sensation me transporta. Á force de contorsion, je finis par lui rendre la pareille. Nous étions littéralement enchevêtrées comme des lianes, chacune un sein dans la bouche de l’autre.

Ma main libre partit à l’aventure sur son ventre, Sarah m’imita. Je jouai un instant les doigts dans sa toison, elle en fit autant. Puis, n’y tenant plus, j’investis son intimité. Je l’entendis déglutir de surprise, sa bouche collée à mon sein, et elle me rendit la politesse. On resta un moment ainsi à se masturber l’une l’autre, à amadouer nos chairs.

Prise d’une nouvelle appétence, Sarah se dégagea de mon emprise. Elle m’installa à sa place à la tête du lit et me régala d’un nouveau baiser. Puis, caressant mon corps de la pointe de ses seins, sa bouche dessina des arabesques sur ma peau. Après avoir honoré encore ma poitrine, elle ondula à reculons, son regard langoureux fixé au mien, jusqu’à se glisser entre mes cuisses écartées.

Ouvrant mes grandes lèvres avec ses doigts, Sarah plongea dans ma moiteur. Je ne pus retenir un feulement rauque. Elle investit ma grotte à la recherche du trésor tapi dans l’ombre. Une femme me léchait pour la première fois, rien n’avait d’importance que cette bouche ouverte sur ma fente, cette langue fouillant ma vulve avec avidité, l’impression d’être aspirée. Concentrée, je voyais son nez disparaître dans ma toison, et imaginais sa langue sur mes chairs révoltées.

Sarah ne me lâchait pas du regard, sans doute m’avait-elle installée en position assise afin d’en profiter, de lire la progression du plaisir dans mes yeux. Moi aussi je l’observais. Elle aimait me fouiller ainsi, savourer ma liqueur, jouer dans mes nymphes.

Mon amante maîtrisa la montée de ma jouissance, sa science amoureuse me laissait pantoise. Elle investit ma grotte d’un doigt jusqu’à l’entrée de mon vagin, et aspira mon clitoris entre ses lèvres. Ma vue se brouilla, mon ventre se comprima. Une sensation intense, inconnue, se répandit dans mon être. Sa langue sur mon bouton, ses doigts dans ma vulve, tout se mélangea dans mon esprit embrouillé. Je jouissais de mon premier orgasme.

La retombée fut lente, d’une exquise douceur, prolongée par une myriade de baisers éthérés, presque chastes, que Sarah distribua de mon ventre à mes seins. Je goûtai ses lèvres, ma langue se faufila entre ses dents, investit sa bouche, la fouilla comme elle venait de faire avec mon intimité. Je savourai sa salive pleine de ma cyprine.

 

Dans un mouvement tournant, je me retrouvai au dessus de Sarah, la position assise devenait inconfortable de toute façon. Son regard dans le mien lut mon désir de lui donner du plaisir, mais aussi une certaine hésitation. Peut-être, si nous avions été vierges toutes les deux, cela aurait rendu la chose plus facile.

– Ce n’est pas la peine, trésor, articula-t-elle d’une voix enrouée, tu n’es pas obligée.

Obligée non, désireuse oui. C’était à moi de jouer maintenant, de mener le bal. Je n’avais pas sa science amoureuse, cependant je voulais la toucher, lui rendre au moins en partie ce trop plein de bonheur qu’elle venait de me donner.

Penchée au dessus d’elle, le visage tout près du sien, mes longs cheveux encadrant nos deux visages dans un même écrin, je caressai ses seins d’une main, ils réagirent aussitôt. Le temps de butiner ses lèvres, ma main descendit sur son ventre. Sarah m’encouragea d’un sourire.

Après une dernière hésitation, les doigts perdus dans sa toison, je frottai ma paume contre ses grandes lèvres qui s’humidifièrent aussitôt. Son regard brilla d’une étrange lueur quand j’entrepris d’écarter les nymphes. Mon index et mon majeur fouillèrent sa grotte sans attendre. Sa moiteur me surprit.

Tendue, Sarah ouvrit de grands yeux devant mon audace, incapable de réprimer un soupir de volupté. Je caressais chaque recoin de sa vulve comme je le faisais à la mienne dans mes jeux en solitaire. Le fait de sentir des chairs inconnues s’animer sous mes doigts emplit mon cœur d’une joie indicible.

Mon amante referma une main sur mon poignet, je compris ce qu’elle attendait, mes phalanges se déplièrent. Sarah entama un mouvement de va-et-vient, se servant de mes doigts comme d’un jouet intime, elle se masturba sur ma main. Je titillai son clitoris de mon pouce.

Vite, bien trop vite, sa bouche s’arrondit, ses yeux se révulsèrent. Béate, j’assistai à la montée de son plaisir. Pressée d’en finir, elle accéléra encore le mouvement. Le clapotis de mes doigts dans son antre résonna dans la chambre.

– Jouis, mon amour, ne pus-je m’empêcher de murmurer.

Sarah expulsa une longue plainte à peine audible, son vagin se contracta. Elle se laissa aller à un orgasme rapide dont l’intensité me surprit. Les yeux béants sans me voir, la bouche ouverte, mon amante stoppa le mouvement de mes doigts, mais les conserva en elle jusqu’à reprendre son souffle. Le plaisir la rendait plus belle encore.

Enfin elle me regarda, un merci sous forme d’un sourire gravé sur ses lèvres tremblantes. Le regard planté dans le sien pour lui prouver mon envie, je portai mes doigts à mes lèvres, et léchai soigneusement mes phalanges mouillées de ses sécrétions. Ce n’était pas pour lui faire plaisir, je désirais vraiment connaître son goût.

 

Le moment de tendresse qui suivit ne pouvait pas être silencieux, il me fallait mettre des mots sur mes émotions. Toucher ainsi une femme, surprendre dans ses yeux la félicité chambouler son être, j’en rêvais depuis longtemps. Ce soir j’avais osé, avec des gestes maladroits, sans aller aussi loin que je l’aurais souhaité, mais ce premier pas m’ouvrait des perspectives infinies.

– C’était parfait, trésor, me répondit Sarah d’une voix tendre, vraiment intense. Tu t’es donnée  sans retenue et tu m’as donné mon plaisir, je ne voulais pas qu’il en soit autrement. Quel pied ! ajouta-t-elle afin de dédramatiser. Pour une première, tu m’as filé un sacré orgasme.

 

Elle posa la joue sur mon sein droit, puis caressa l’autre d’une main distraite, comme on touche la joue d’une amie d’un geste tendre. J’aurais voulu lui dire « Je t’aime » mais je n’osais pas.

Par Orchidée - Publié dans : Roman érotique - Communauté : Volupté féminine
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Vendredi 24 juillet 5 24 /07 /Juil 06:50

joy argentoLa tentation du velours 3

 

Ma chère Lola,

Le souvenir des doigts de Sarah en moi hanta mon esprit toute la matinée du lendemain. Même dans notre folie adolescente, nous n’avions pas été aussi loin, il n’y avait pas eu un plaisir aussi intense, au point que maintenant faire l’amour m’obsède. Je ne sais pas si c’est normal. Peut-être qu’une fille ne devrait plus être vierge à 18 ans, ou peut-être que c’est juste moi.

 

L’arrivée de Sarah poussa la mamie voisine de palier, gentille mais bavarde, vers la sortie. Un coup de fil de mon oncle Alain, et elle se prenait pour mon chaperon. Mon amie – je la nommais ainsi car ce mot revêtait plusieurs perceptions – garda la porte ouverte jusqu’au départ de la petite vieille, une incitation à foutre le camp.

– Elle est un peu collante, dis-je en souriant une fois la porte refermée.

– La tristesse de la solitude n’est pas l’apanage des jeunes filles, répondit Sarah joviale après avoir posé une chemise cartonnée sur la table. Regarde ce que j’ai apporté.

Attirée comme une gamine par la promesse d’un cadeau, je me collai à elle afin de découvrir le contenu de la pochette surprise. Mon amie accepta le contact comme naturel, sans en tirer profit. Elle étala une quinzaine de clichés, certains en couleur, d’autres en noir et blanc. Cette jeune fille en balade dans Paris, tantôt rieuse, tantôt sérieuse, parfois rêveuse, était mon sosie, mais j’avais du mal à accepter que ce soit moi.

– Si tu avais vécu en ville au lieu de la campagne, on t’aurait déjà remarquée. Tu connais ta taille et ton poids exact ? demanda Sarah avec sérieux en sortant une calculette de son sac.

– Je fais… 1 m 75 pour 57 kg, hésitai-je abasourdie de connaître le jugement.

– Ton indice de masse corporelle est 18,6, conclut-elle de nouveau souriante, comme si notre relation dépendait du résultat de son calcul. Je pourrai déjà te faire signer un contrat.

Une impression de vertige me saisit, je désirais comprendre.

– De quoi tu parles, enfin ? Je vais reprendre mes études dans trois mois. Je suis trop grosse de toute façon. Et puis je croyais que… hier soir…

– Écoute-moi, trésor, le temps des mannequins anorexiques est passé, la santé de nos filles est trop importante. De plus, rien ne t’empêche de reprendre tes études, mais il faut de l’argent pour vivre à Paris, même si tu es logée gratis. Quelques photos, une pub par-ci par-là, ça te garantit un chèque à la fin de chaque mois. Quant à hier soir, ça a soulagé la pression.

« Soulager la pression » ! J’ignorais si je devais en rire ou hurler de colère. La première option permettait au moins de ne pas sombrer. Et puis, me faire appeler mon trésor m’avait comblée d’un bonheur indescriptible.

– Tu proposes quoi ? réussis-je à articuler sans trop bégayer.

– Je désire m’occuper de toi. Tu as un don certain, des avantages précieux dont beaucoup de jeunes filles rêvent, je peux t’aider. Pour le reste, je te préviens : je n’entretiens pas de relation avec mes models. Même si de temps en temps on… enfin tu vois ce que je veux dire, ça ne signifie pas que tu es ma nana ou moi la tienne. C’est clair ?

Refuser c’était courir le risque de la voir franchir la porte une dernière fois, tirer un trait sur le moindre espoir, cette perception d’un avenir sans elle me fit frémir. Tant que nous continuerions à nous voir, rien n’était perdu.

– D’accord. C’est quoi le programme aujourd’hui ?

– Tu as de quoi déjeuner ? Nous avons un après-midi chargé.

 

Nous entrâmes peu après 14 heures dans un salon de coiffure réputé, une véritable ruche dédiée à la beauté pour des clientes ignorantes de la crise financière. Sarah en fit le tour, accordant sans complexe une bise ou un mot sympa à chaque employée. L’une d’elles me poussa gentiment à une place disponible.

– Qu’est-ce qu’on fait ? demanda la jeune femme répondant au prénom de Gaëlle.

Je découvris avec stupéfaction dans le miroir que la question ne s’adressait pas à moi. Quatre mains s’occupaient de triturer mes cheveux, d’en apprécier la texture. Sarah donna ses consignes, sûre de son fait, en professionnelle, sans même prendre mon avis.

– Ne les coupe pas. Je veux quelque chose qu’elle puisse entretenir facilement, qui préserve sa fraîcheur. Un peu de volume, peut-être ondulés dès la mi-longueur.

– Le cheveu est épais, ce sera facile, sourit l’employée, les doigts engoncés dans ma tignasse. Je devrai sans doute les épointer.

Le comportement de Sarah me troublait. Peut-être était-ce sa manière d’exprimer un intérêt pour ma petite personne. Rassurée de ne pas voir mes longs cheveux coupés, je m’abandonnais aux mains expertes de Gaëlle.

 

– Qu’en penses-tu ? me demanda Sarah en sortant du salon deux petites heures plus tard.

Habituée au travail soigné, mais sans recherche, du coiffeur de notre bled, je reconnaissais sans mal le bien fondé des suggestions de Sarah. Je me sentais belle, et cette impression nouvelle me plaisait. Chaque vitrine devenait une glace dans laquelle m’admirer.

– Génial ! Mais l’ondulation va foutre le camp au premier lavage.

– Non, me rassura-t-elle. Tu as un fer à boucler ?

Jamais l’utilité d’un tel instrument ne m’avait effleurée. Sarah le devina à ma grimace.

– On t’en trouvera un, je te montrerai comment faire.

Nous marchâmes d’un pas tranquille. La présence de celle qui restait une belle inconnue à mes côtés s’imposait à mon esprit comme des plus naturelles, je devais jouer son jeu afin de mieux l’apprivoiser, de me rendre indispensable.

– Tu m’amènes où, maintenant ?

– Dans une boutique de lingerie à deux pas. Nous devons prendre soin de ta poitrine.

Nous ! Elle avait dit nous, et ce simple mot dans sa bouche enveloppa mon cœur d’une chaleur délicieuse. La sensation d’être amoureuse s’insinua en moi, même si ça semblait ridicule, ou pour le moins précipité.

 

Là aussi, Sarah entra en terrain conquis, saluant tout le monde. Mon œil de petite campagnarde habituée à être fauchée s’attarda sur l’étiquette d’une nuisette de satin. La valeur du bout de tissu m’aurait permis de faire les courses un bon mois. Une inquiétude me traversa l’esprit.

– Tu n’as pas payé chez le coiffeur. Et là, les prix sont…

– Ce sont des frais de gestion pour ma boîte, rassure-toi. Nous sommes sous contrats avec ces magasins, et bien d’autres.

Pas de doute, on me faisait entrer dans un monde à part. Sans plus de détails, Sarah étudia les soutiens-gorge. Elle en choisit trois avant de me faire entrer dans une cabine d’essayage assez spacieuse pour y installer une petite table et des rafraîchissements. J’allais me dévêtir sans soucis, la pudeur n’avait plus de mise depuis la séance de masturbation de la veille, quand une vendeuse nous rejoignit.

– Qu’est-ce que…

– Ce n’est rien, m’interrompit Sarah. Chloé est conseillère ici, elle m’aide souvent pour le choix du tissu et la profondeur des bonnets. On gagne un temps fou. Tu peux te déshabiller en toute tranquillité.

Plus facile à dire qu’à faire en de telles conditions, je satisfis tout de même à l’exigence. La psyché me renvoya l’image d’une jeune fille certes émue, mais pas rouge de honte comme je m’y attendais. Sarah dans mon dos, la vendeuse devant, les quatre mains sur ma poitrine, comme les quatre un peu plus tôt dans mes cheveux, me laissaient une impression de professionnalisme, loin du ressenti au sortir de la douche. Le plus long dans l’essayage fut de boutonner et de reboutonner ma robe.

– On prend les trois, indiqua Sarah sans perdre de temps, tu nous mets les slips assortis en taille 38. Pas de string, surtout, ni de dentelle rajoutée.

 

Un taxi nous déposa au bas d’un immeuble dans une rue située non loin de la mienne. Un petit ascenseur jusqu’au 3ème étage, je pénétrai dans un couloir. Pas le temps de jeter un œil au séjour sur la gauche ou à la cuisine sur la droite, encore moins à la salle de bain, Sarah m’entraîna par la main dans sa chambre. Ce comportement me choqua. Sans prendre la peine de me regarder, elle ouvrit les battants d’une armoire.

– Á poil, vite. Mets ça avec le soutien-gorge pigeonnant et le slip assorti. On doit arriver au restaurant à 20 heures au plus tard.

J’étais prise dans un tourbillon, sans volonté de me débattre tant la situation était loin de me déplaire. On s’occupait de moi pour la première fois de ma jeune existence. Pourtant, un signal d’alerte clignota dans mon cerveau, vite chassé par certains détails. Un coiffeur de renom ne pouvait se faire complice d’une personne malhonnête, de même que les employées d’une boutique de lingerie de luxe.

– Á quoi tu penses ? sourit Sarah en prenant le parti de me dévêtir devant mon inertie causée par une pensée pas très nette.

Ses mains se firent plus douces que dans la cabine d’essayage, son regard s’éclaira de nouveau à la vue de ma nudité. Je le ressentis comme une caresse.

– Je me demandais pourquoi tu fais tout ça, osai-je après avoir cherché les mots. On se connaît depuis deux jours, et tu fais des trucs insensés depuis ce matin.

– L’instinct, ma chère Anaïs, répondit-elle en me rhabillant dans les vêtements conformes à son choix, le pressentiment que nous allons faire de grandes choses ensemble. Regarde !

J’ignore ce qui me toucha, les mots lancés avec une désarmante certitude, ou mon reflet dans la glace au centre de l’armoire. Cette jeune beauté gainée dans une splendide robe cocktail bleu azur dont le volant tombait à mi-cuisses, serrée à la taille par une large ceinture bleu roi, c’était moi ? Pas le temps de m’interroger, on glissait mes pieds dans des escarpins dont le talon ne dépassait pas cinq centimètres.

– Tu es bien dedans ? demanda une voix posée.

– Peut-être un peu grand, répondis-je en tremblant.

Quelques secondes plus tard, Sarah me chaussait de nouveau après avoir glissé une semelle dans chaque chaussure.

– Une touche de fard à paupière, un soupçon de rose sur tes lèvres, et tu seras parfaite.

Parfaite pour quoi ou pour qui, il me restait à le découvrir.

 

La tête pleine des confidences de Sarah, de sa certitude de faire de moi un mannequin, de son empressement à m’offrir une soirée de rêve, des regards que je n’avais cessé d’attirer, je souris à l’avenir tandis que je pénétrai pour la seconde fois dans son appartement. Elle prit le temps de me faire visiter un agréable deux pièces cuisine à l’ameublement minimaliste d’un blanc épuré.

Son attitude dans la soirée me laissait un goût d’inachevé, presque la promesse d’un futur immédiat correspondant à mes espérances. Sans doute sa retenue vis-à-vis de moi tenait du désir de ne rien précipiter. C’était moi la petite campagnarde, mais elle qui se comportait avec un siècle de retard. J’acceptais sa réserve, prête à patienter le temps nécessaire, même si mon attitude ne laissait planer aucun doute.

– Mets-toi à l’aise, trésor, tu vas dormir ici. Je vais te donner une brosse à dents et une serviette, tu peux prendre un bain.

 

Á peine déshabillée, la magnifique robe posée sur le lit dans la chambre de Sarah, j’allais filer dans la salle de bain en sous-vêtements quand elle fit irruption, un mètre ruban à la main.

– Enlève tout, je vais prendre tes mensurations exactes.

Être nue en sa présence me gênait de moins en moins, son regard me mettait à l’aise. Elle opéra vite, avec attention, prenant soin de prendre des notes.

– C’est bien ce que j’avais évalué : 94, 66, 90.

– Qu’est-ce que ça veut dire ? demandai-je par acquis de conscience.

– Tes mensurations ne sont pas celles d’un mannequin de défilé, mais elles sont idéales pour les photos et même la pub télévisée. Avec l’expression de ton visage, on va faire un malheur. J’ai senti à notre première rencontre que tu étais faite pour ça, il n’y a aucun doute. Même Marc en est persuadé, et il en a vu passer devant son objectif. Ta présence crèvera l’écran, comme on dit dans le jargon du métier.

Puis, oubliant son travail, elle me prit par la main comme une gamine désireuse de s’amuser, et m’entraîna hors de la pièce.

 

Le temps de remplir la baignoire nous offrit l’occasion de chahuter, un instant décomplexé de franche camaraderie. Ce qui devait arriver arriva.

– Ah ! c’est malin, rit Sarah à gorge déployée. Je suis toute trempée maintenant.

– Tu n’as qu’à prendre le bain avec moi, balançai-je sans même une arrière-pensée.

La franchise me rattrapa pourtant quand la chemise glissa sur sa peau légèrement hâlée. Elle s’était retournée afin de suspendre ses vêtements à la patère, m’offrant la vue du triangle de son dos. Le ballet des mains occupées à dégrafer le soutien-gorge étira ses muscles fins de l’omoplate à la hanche arquée. La chorégraphie s’emballa, Sarah fit glisser le pantalon et le slip d’un même mouvement sur ses cuisses pleines sans excès de sportive du dimanche. Ses longues jambes tressaillirent jusqu’à fouler le tissu aux pieds. Mon regard remonta jusqu’aux fesses rondes juste avant qu’elle ne se retourne.

Le mouvement m’offrit la vision fantasmatique du mont de Vénus le bien nommé, recouvert de courts poils brun cachant à peine la peau, la toison en pointe de flèche semblait indiquer le chemin à suivre. Mon regard choisit l’itinéraire inverse cependant, et remonta le long du ventre plat aux abdominaux sous-jacents. Les seins, hésitants entre la poire et la pomme, tendaient vers l’avant comme une invitation aux caresses. Le téton sage dans la petite aréole quémandait les baisers.

– Ça va ? Tu te rinces bien l’œil ? s’amusa Sarah sans se dérober à mon regard.

– Tu es belle.

Cette remarque était évidente, tout aussi évidente la raison de lui donner mon impression. Sans doute le savait-elle, le compliment la fit tout de même rougir.

– Tu me fais un peu de place, sourit-elle en s’installant face à moi dans la baignoire, mêlant ses jambes aux miennes.

Le contact me ravit. On resta un moment à s’observer, les yeux dans les yeux, chacune tentant de lire les pensées de l’autre. Les miennes me trahirent sans doute, car mon amie me demanda de me retourner.

– Viens là, je vais te laver.

 

Installée entre ses cuisses écartées, mon dos écrasa sa poitrine. Cette posture prit la dimension d’une caresse, car je sentis les pointes durcir.

– Tu n’as jamais fait des choses avec la copine à qui tu écris ? demanda-t-elle l’air de rien. Au collège et au Lycée, même les filles hétéros ont souvent des petites histoires entre elles, comme des expériences.

J’espère que tu ne m’en voudras pas, ma douce Lola, de lui avoir raconté nos jeux, nos baisers, nos caresses maladroites, cet étrange ressenti qu’on ne peut pas qualifier de plaisir sexuel au sens propre du terme. Je voulais sans doute la rendre jalouse.

Sarah se lova autour de moi comme une contorsionniste. Ses mains en guise d’éponges, elle massa mon dos au point de détendre chacun de mes muscles. La lenteur de ses gestes me tirait des soupirs de bien-être. Elle posa la joue sur mon épaule gauche, me sourit. La proximité des lèvres brillantes en faisait des fruits tentants. Je me retins à grand peine de mordre dans la chair pour ne pas rompre le charme.

Ses mains abandonnèrent mon dos, se faufilèrent devant. Entre palpation et caresse, mes seins enflèrent, mon ventre durcit. Sarah massa mes globes de l’intérieur vers l’extérieur, frôlant d’un doigt mes tétons à chaque passage. Elle s’amusa de leur réaction d’orgueil.

– Ils sont sensibles.

Je répondis sans parler, d’un simple hochement de tête. Depuis la puberté, j’avais appris à les caresser, à maîtriser le bonheur simple de les sentir vibrer sous mes attouchements plus ou moins appuyés. Ce n’était pas un moyen de parvenir à la conclusion, mais cela permettait de décupler mon plaisir lors des séances de masturbation.

Une main toujours sur mes seins, l’autre glissa de mon ventre jusque dans ma toison. D’abord immobile, Sarah entreprit de masser mon pubis. La caresse sensuelle de sa paume sur mon bas-ventre me tira un frisson, mon sexe s’ouvrit sans être sollicité.

– Tu as froid ?

– Non, balançai-je sans mentir.

– D’accord ! J’ai compris. Il faut vraiment qu’on fasse quelque chose pour ta virginité, tu ne sais pas te tenir en compagnie.

 

Seule dans le clic-clac du salon, engoncée dans le pyjama qu’elle m’avait prêté, je peinais à trouver le sommeil, triste de ne pas profiter du lit de Sarah. Une fois encore son baiser n’avait touché que mon front.

 

Je ne sais plus où j’en suis, Lola. J’ignore si c’est l’amour ou simplement mes hormones, je la désire, je veux lui appartenir. Il me reste tant à découvrir, tout en fait. Je vais devenir folle si rien ne se passe.

 

Bonne nuit, ma tendre amie.

Par Orchidée - Publié dans : Roman érotique - Communauté : Volupté féminine
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Mercredi 22 juillet 3 22 /07 /Juil 10:50

joy argentoMa chère Lola,

La journée commença par un léger tambourinement à la porte. La lumière du jour profitait du fait que je n’avais pas fermé les volets.

« Zut, déjà 9 heures ! Les pantoufles sont sous le lit. La salle de bain ! Pas le temps, elle est là. J’aurais dû mettre le réveil à sonner.  Je dois avoir une sale tête, je vais lui faire peur dans cet état. »

Le temps de balancer ces idées en désordre, je découvrais Sarah dans l’embrasure de la porte, là où elle m’avait abandonnée hier soir. Une veste tailleur gris-perle mettait ses formes en valeur, une chemise de soie blanche cintrée avantageait sa poitrine, le jean blanc moulait deux longues jambes. La mèche descendait un peu moins sur les grands yeux noisette. Je découvris quelques minuscules et charmantes taches de son autour du nez fin, qui m’avaient échappé la veille.

– Tu es prête, à ce que je vois, sourit Sarah en refermant la porte dans son dos. Ne te couvre pas davantage, il fait bon dehors.

Un coup d’œil à ma tenue transforma mon sourire en grimace. La veste mal boutonnée du pyjama trop grand bâillait de partout, dévoilant ma peau par bribes. L’échancrure ainsi provoquée exhibait mon sein droit presque jusqu’à la pointe.

– Ne touche à rien, souffla Sarah en caressant le coton mal ajusté sur mon épaule, tu es trop mimi au réveil. On déjeune ? Elle agita sous mon nez un paquet de croissants.

« Thé ou café ? » furent mes premières paroles. Décontenancée, je réussis à dissimuler ma gêne en m’activant dans la cuisine équipée, à la recherche des boîtes adéquates. La veille avant de sortir, une gentille voisine à la soixantaine alerte m’avait accompagnée dans une épicerie de quartier afin de prévoir le premier ravitaillement indispensable.

– Thé sans sucre, avec du lait si tu as… Dis donc, ton oncle a su tirer le maximum de l’espace disponible. Ce studio est une véritable réussite.

Il fut aisé de deviner au changement de ton que mon invitée ne parlait pas pour remplir le silence, elle inspectait vraiment mon cadre de vie. Alors, dans mon esprit de petite provinciale de 18 ans, je me réjouis de l’intérêt de Sarah à mon égard. Je me retournai, la bouteille de lait dans une main et la boîte à thé dans l’autre, Sarah était là, à quelques centimètres de moi. L’envie me prit encore de l’embrasser, je n’avais qu’un geste à faire. L’eau en ébullition dans la bouilloire électrique accapara mon regard, pas mon attention.

– Tu travailles aujourd’hui ? demandai-je avec prudence.

– J’ai prévenu au bureau, répondit Sarah d’une voix neutre, ils ne me verront pas avant lundi.

Le cœur bondit dans ma poitrine. Lundi prochain, ça me laissait quatre jours pour apprécier la présence de mon inconnue. Mais avant, j’avais besoin d’être rassurée sur un point, qui justifiait peut-être la fin de soirée trop amicale à mon goût. Attendre avant de savoir était un risque que je ne voulais pas courir.

– Si tu as une copine, balançai-je avec un manque évident d’assurance, elle sera contente.

– Je n’ai personne, répondit Sarah sans hésiter. Je peux te consacrer tout mon temps.

Je jurerais qu’elle avait compris le sous-entendu. Quatre jours et autant de soirées m’étaient donnés, à moi d’en profiter.

 

Au sortir de la douche, la présence silencieuse de Sarah adossée au mur me fit rougir. Tu me connais, Lola, être à poil ne me pose pas de problème en général. Mais son regard fixait le mien, d’une douceur affectée, comme si ma nudité n’avait pas d’importance, ou aucune valeur. Peut-être que je n’étais pas son type de nana. Je m’enroulai vite dans le drap de bain, davantage par peur de la décevoir que par réelle pudeur.

– Laisse-moi faire.

Sans attendre une acceptation ou un refus, Sarah entreprit de sécher mes épaules et mon cou. Virevoltant autour de moi, elle se retrouva dans mon dos pour l’essuyer avec douceur. Puis elle se replaça de face. La maîtrise totale de ses émotions contrastait avec ma nervosité.

– Occupe-toi de tes cheveux, dit-elle en me tendant une serviette plus petite.

Aussitôt, ses mains s’activèrent à nouveau sur moi. Comme j’avais les bras levés, Sarah frotta délicatement chacune de mes aisselles avant de découvrir ma poitrine. Elle la tamponna du tissu éponge d’un geste chaste, le regard aimanté à ce corps qu’elle découvrait. La douce chaleur de son souffle paisible ne parvenait pas à calmer ma chair de poule. Sans prévenir, Sarah emprisonna un de mes seins dans une main pour en essuyer la base, puis passa à l’autre. Le contact sensuel me fit frémir, mes tétons durcirent. J’attendis une véritable caresse qui ne vint pas.

– Ils sont superbes, se contenta-t-elle de reconnaître, ronds et fermes, l’aréole est joliment dessinée. Tu dois en prendre soin.

Continuant son ouvrage, Sarah palpa mon ventre de la serviette éponge, la peau se dévoilait à son regard. Les bras suspendus au-dessus de la tête, je n’osais pas bouger, le moindre mouvement de ma part risquait de rompre le charme.

– Tes abdos sont durs, c’est le sport ou la nervosité ?

– La nervosité je crois, bafouillai-je, morte de honte.

Sans relever la réponse, du moins en apparence, Sarah s’appliqua à essuyer ma toison pubienne. Je me savais maintenant livrée sans aucun rempart à l’observation et aux attouchements. Jamais une telle sensation de fragilité n’avait broyé ma poitrine dans un étau. Mais, jamais non plus une semblable excitation n’avait chamboulé mes entrailles. Je sentis qu’on soulevait ma jambe droite pour poser mon pied sur le bidet. Les cuisses ainsi écartées, plus rien de mon état ne pouvait lui échapper.

– Rassure-toi, sourit Sarah avant de focaliser son attention sur mon intimité, la réaction de ton corps est naturelle. La peau est un peu irritée à l’aine, tu te rases ?

– Mmh… oui, réussis-je à articuler.

– Tu ne dois plus le faire. Je sais comment arranger ça.

Sarah me retourna sans donner plus de détails, déjà concentrée sur une autre partie de mon anatomie. Le ballet de ses mains reprit sous la serviette. Avait-elle vu que l’humidité sur ma fente n’avait rien à voir avec l’eau de la douche ? J’en étais persuadée.

– Tu as des fesses rondes, petites et hautes, bien soutenues par de jolies cuisses, et tes mollets sont galbés à souhait.

La fin soudaine des attouchements me fit grimacer, pas longtemps cependant. Des doigts se refermèrent sur les miens, toujours suspendus au-dessus de ma tête. Les mains douces guidèrent les miennes dans un mouvement tournant délicat pour essuyer ma longue chevelure claire, presque blonde. Malgré le timbre détaché, les seins de Sarah étaient durs dans mon dos. Une haleine caressa mon cou, un murmure chatouilla mon oreille.

– C’est rare de voir un corps aussi bien proportionné. Tu es très jolie.

Oui ? Alors pourquoi n’en profitait-elle pas ? Ces mots restèrent dans ma gorge malgré mon désir de les hurler.

 

Sarah me suivit jusqu’au grand lit, et fouilla dans ma valise pas encore défaite à la recherche d’une culotte et d’un soutien-gorge.

– Tu donnes souvent ton adresse à des inconnus ?

Je revêtis sans broncher les sous-vêtements et la petite robe choisis par mon invitée.

– Tu devrais faire attention, reprit-elle sans me laisser le temps de réagir. Je n’ai pas de leçons à te donner, mais il n’y a pas que des gens bien à Paris.

– Je suivrai ton conseil, promis, répondis-je avant de retourner dans la salle de bain.

Elle ne m’y suivit pas. Déçue, je coiffai seule ma longue tignasse face à la psyché fixée à la porte. Sa voix me rattrapa.

– Pourquoi tu épiles tes sourcils ? Ils donnent souvent de l’harmonie à un visage. Tu devrais les laisser pousser.

– Ils ne sont pas de la même couleur que mes cheveux, balançai-je, heureuse de l’entendre changer de sujet de conversation.

– Ça, ma belle, c’est la grande énigme du système pileux.

Je quittai la salle de bain à temps pour surprendre son rire léger. Elle n’avait pas bougé, son regard de nouveau focalisé sur moi, comme s’il tentait de me transmettre un message.

 

La matinée fila à une vitesse insensée, angoissante tant le besoin d’arriver à mes fins dans les quatre jours à venir martelait mon esprit. J’avais accepté une proposition saugrenue de Sarah pour ne pas la décevoir, mais je regrettai un peu de m’être emballée tandis que nous déjeunions dans une brasserie. Un mec souriant d’une trentaine d’années nous rejoignit au moment du café.

– Anaïs, je te présente Marc, photographe à l’agence. Il va nous suivre cet après-midi, et fera des clichés de toi. Tu dois rester naturelle, oublier sa présence.

– Ne vous inquiétez pas, Anaïs, vous ne me verrez même pas, promit le photographe d’une voix rieuse de jeune farceur. Sarah, je t’envoie les clichés avant ce soir sur ta messagerie. Bonne promenade, les filles.

Marc s’éclipsa aussitôt.

 

Que garder de ces instants qui, bout à bout, tissèrent le canevas de notre après-midi, sinon le souvenir d’un magnifique été. Juin coulait lentement le long de la Seine, sur des berges animées d’une vie particulière, la terrasse d’un café digne d’une aquarelle de Montmartre, la foule bigarrée sur l’esplanade du Centre Pompidou, les flèches de Notre-dame plantées dans un ciel généreux. C’était paris, et je ne pouvais que l’aimer.

Je souhaitais aussi aimer la présence à mes côtés, tantôt pendue à mon bras comme une amie, tantôt accrochée à ma main comme une amoureuse. Sarah se montra sans fard, révélant sa nature simple des gens qui n’ont rien à cacher.

Son téléphone portable grelotta vers 19 heures ; un SMS de Marc, il était rentré et venait de lui envoyer les clichés. J’avais occulté la présence du photographe et de son appareil numérique.

Sarah proposa de me raccompagner chez moi, sans me laisser le temps de m’apitoyer sur un éventuel abandon.

– Tu vas te changer, ce soir je te sors dans un nouvel endroit.

 

Le Nix Café n’acceptait aucun garçon, pas même accompagné. Il ne s’agissait pas dans mon esprit, ni dans celui de mon accompagnatrice, d’un désir de communautarisme exacerbé ou d’un rejet de la gent masculine, mais de vivre pleinement un trait commun à nos deux caractères.

– Toutes les filles viennent ici, reconnut Sarah sans ambages. Enfin, toutes les lesbiennes, quel que soit leur genre. C’est le lieu idéal pour rencontrer l’âme sœur ou le coup d’un soir.

– Je suis quoi pour toi ?

Blême, surprise moi-même de ma répartie, je sentis des larmes humidifier mes yeux. De quel droit moi, la petite provinciale en manque d’amour, encore vierge et ignorante de l’existence, je me permettais de juger celle qui me donnait tant depuis hier.

L’absence de sentiments et une virginité pesante, justement. La plupart des filles de chez nous avaient perdu leur pucelage entre 14 et 17 ans. Rappelle-toi, Lola, c’était un sujet de discussion au collège puis au lycée. Certaines étaient amoureuses, d’autres multipliaient les expériences. Mais moi ! Qu’avais-je à raconter moi, la petite gouine obligée de taire son attirance car les ados sont méchants entre eux. Qu’avais-je vécu comme expérience qui me donne envie de vivre, sinon l’intransigeance des parents. Á la campagne on ne peut pas adopter le même comportement qu’en ville, les mentalités refusent d’évoluer.

Alors non, Sarah ne méritait pas d’entendre des reproches. Mais oui, j’avais le droit de…

– D’être en colère, je comprends, tempéra mon amie en prenant mes mains dans les siennes, à plat sur la table du café. Contrairement aux filles hétéros, la première expérience est souvent plus tardive pour nous. Il y a d’abord la question de l’acceptation de soi qui nous retient, puis la peur d’être confrontée au jugement des autres. Pas facile dans ces conditions. On nous imagine souvent multiplier les aventures, passer d’un lit à un autre, pourtant toutes les études démontrent que les lesbiennes sont en général davantage fidèles à leur compagne. Même si certaines prennent leur pied à changer souvent de partenaires. Comme ailleurs, la généralité ne représente pas un tout, tu trouveras toujours l’exception qui confirme la règle.

J’étais là, à écouter Sarah révéler des vérités sur notre attirance sexuelle, et mon comportement me parut moins glauque, ma nature plus acceptable, un avenir envisageable.

– Quand au sexe par lui-même, gloussa-t-elle en baissant la voix, comme le dit une célébrité qui vient ici de temps en temps, les hétéros nous posent toujours la question : « Mais comment vous faites ? Vous utilisez des objets ? » Alors je réponds à chaque fois : « On fait pareil que vous, sauf qu’il n’y a pas de bite à la fin. »

Après les larmes précédant mon coup de gueule, je faillis m’étouffer de rire. Sarah savait, son expérience en faisait une conseillère incomparable sur le chemin de « ma vérité », chacun a le droit d’avoir la sienne dans ce domaine. J’assumais mon attirance pour les filles, il me restait à concrétiser cette attirance au sens physique du terme.

– Plus sérieusement, continua Sarah, l’acte sexuel d’une femme hétéro passe invariablement ou presque par la pénétration, qui en est souvent la fin avec l’éjaculation du partenaire masculin. La sexualité lesbienne, contrairement à ce que pensent beaucoup, me parait plus complète, elle est en tout cas plus variée. La seule limite est notre imagination. On peut se pénétrer aussi bien avec les doigts, les jouets ne sont pas une obligation. Et ça, c’est pour les vaginales. Les clitoridiennes se passent de pénétration. De plus, on a un sacré avantage, la plupart des femmes peuvent avoir plusieurs orgasmes à la suite. Je ne te dis pas le feu d’artifice que ça déclenche parfois.

J’aurais voulu qu’elle me dise, néanmoins je n’en fis pas la demande. Sarah me comprenait, je n’avais aucun droit de la mette mal à l’aise.

 

La soirée s’éternisa, pour notre plus grand plaisir partagé. Certaines de ses connaissances nous saluèrent, d’autres s’invitèrent à notre table, l’une d’elles me dragua même, faisant preuve d’un culot inimaginable. On en riait encore à la fermeture.

 

– Tu as fait de l’effet sur certaines ce soir, me glissa-t-elle à l’oreille, une fois la porte de mon appartement refermée derrière nous.

Sans lui demander, Sarah avait naturellement proposé de me raccompagner, et s’était invitée seule, à ma grande joie.

– Ta copine, celle qui m’a draguée, elle est toujours comme ça ?

– Elle ne peut pas s’en empêcher, rit-elle. Patou raconte à qui veut l’entendre qu’aucune nana ne peut lui résister, mais une fois sur deux elle s’endort sans avoir rien fait car elle a trop bu. Je peux passer te prendre demain ?

Le changement de discussion me ravit.

– Bien sûr.

– Vers 11 heures alors. J’ai des choses à voir avant, et tu as besoin de repos.

 

Sarah me déshabilla puis repoussa la couette. Je m’allongeai nue sur le lit, acceptant malgré moi de la laisser partir, de ne pas l’étouffer.

– Tu n’as pas froid ? Tu veux ton pyjama ?

– Non, dis-je, rassurée de ne pas avoir à mentir, tant son regard se faisait si sensuel que pour rien au monde je n’aurais caché mon corps à son attention.

Assise près de moi, je la découvris pensive. Cette soudaine impression de faiblesse me sidéra. Elle était là sans bouger, détaillant mes formes, et moi je restais silencieuse par respect pour ses préoccupations. Un mot de trop pouvait la pousser à prendre la fuite.

 

Sarah posa sans prévenir une main sur mon ventre. Elle joua distraitement avec mon nombril, comme on s’aide à réfléchir en occupant ses doigts. Je retins avec peine un soupir, mais un frisson me trahit, impossible à endiguer.

La main glissa lentement vers mon bas-ventre, les doigts se perdirent dans ma toison. Sans un mot, sans même m’accorder un baiser, allait-elle devenir mon amante, la toute première ? Mon cœur s’emballa dans ma poitrine.

Toujours silencieuse, le regard accroché à son geste, Sarah écarta mes cuisses et couvrit mon trésor intime de sa paume. Elle attendit ainsi quelques instants, guettant ma réaction, sans doute hésitante sur la conduite à tenir. Elle retira sa main. Je la vis humecter son index et son majeur de salive. Je restais allongée sur le lit, inerte, les cuisses légèrement ouvertes, je ne savais plus quoi penser, ignorante de ces choses, incapable du moindre geste de peur qu’il soit mal interprété.

Sarah précipita les évènements. Alors que je n’attendais plus rien, elle reprit possession de mon intimité. J’exhalai mon soupir cette fois. Ses doigts lissèrent mes grandes lèvres en un lent mouvement répétitif plein de douceur. Puis elle ouvrit mes petites lèvres avec précaution.

Le fait de sentir une main inconnue me toucher décupla mon désir, une excitation physique que je n’atteignais pas en solitaire. Deux doigts inquisiteurs fouillèrent ma vulve, désireux de faire connaissance avec ce que j’avais de plus secret. Ma cyprine lubrifia le passage. Je regardais Sarah lécher de nouveau ses phalanges pour goûter mon humeur, puis les replonger en moi.

Mes mains s’égarèrent sur mes seins dans un réflexe incontrôlable, caresse que j’avais appris à maîtriser. Mais jamais les tétons n’avaient été aussi durs, l’excitation à son paroxysme.

Sarah continua son lent mouvement entre mes petites lèvres et autour de mon clitoris, sans se presser, attentive aux moindres réactions de mon corps. Ses caresses savantes m’arrachaient des frissons puis, presque trop tôt, des gémissements.

Elle s’efforça de ne rien précipiter, de laisser mon plaisir monter au rythme d’une masturbation lancinante, exaspérante. La présence de ses doigts dans ma moiteur me comblait. Le volcan en moi menaçait d’exploser. J’aurai voulu me retenir, ressentir l’intensité de ses caresses à l’infini, mais mon corps abdiqua.

Mes mains crispées sur mes seins, tendue au point de décoller la tête de l’oreiller, je laissais échapper un petit cri.

– Oh !

Sarah continua sa caresse jusqu’à la fin de mes soubresauts, pour profiter jusqu’au bout de mon orgasme, pour le prolonger. Elle porta une dernière fois les doigts trempés de ma cyprine à sa bouche, les lécha avec une avidité décuplée.

 

 

Elle se releva soudain, sans prévenir, m’embrassa sur le front, et referma la porte derrière elle.

Par Orchidée - Publié dans : Roman érotique - Communauté : Volupté féminine
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Lundi 20 juillet 1 20 /07 /Juil 13:14

joy argentoChère Lola,

Aujourd’hui 2 juin marque le début d’une grande aventure, je dois m’en persuader. Sinon j’aurai souffert pour rien. La décision des parents de me jeter à la rue ne m’a pas surprise ce matin, ils ont mis leur menace à exécution juste après mon 18ème anniversaire. Tant pis, je ne laisse pas derrière moi un passé glorieux empli de souvenirs impérissables, exceptés ceux vécus avec toi, mon amie d’enfance.

Par chance, Alain – le frère de mon père – avait anticipé la réaction des parents. Il était là à ma descente du train en gare d’Austerlitz. Un court trajet en métro, et je prenais possession du petit studio près de l’Hôtel de ville que ma dernière attache familiale laisse à ma disposition. Si tu voyais mon nouveau royaume, tendre Lola, tu comprendrais pourquoi j’y suis déjà attachée. Mon oncle ne s’est pas attardé, un Eurostar à ne pas manquer pour retrouver sa vie londonienne. Dommage, les instants passés en sa compagnie sont trop courts. Mais il n’a pas manqué de me rappeler ma promesse en échange de son aide, je dois reprendre mes études.

 

Combien de fois avons-nous évoqué Paris, ma douce amie, la possibilité de nous y épanouir ensemble. Les aléas de l’existence en ont par malheur décidé autrement. Tu dois te consacrer à ta formation d’infirmière, je retournerai en cours de littérature à la rentrée prochaine. Il ne me reste que la possibilité de te raconter par lettres les derniers événements. Tu comprendras, j’en suis sûre, mon désir de ne pas rester seule pour une première soirée dans la capitale. Je brûlais d’impatience de connaître mon nouveau territoire : le Marais. Le hasard fait parfois bien les choses, habiter à deux pas du quartier gay était une occasion à ne pas rater.

 

La présence des deux nanas enlacées devant la porte du bistrot, une cigarette à la main, se réfléchit comme une publicité décalée dans mon cerveau embrumé. Un pas timide m’amena face à la carte. Á la place du menu, l’avertissement était clair :

« Ouvert du lundi au samedi, de 17 heures à 2 heures du matin. Entrée interdite aux hommes non accompagnés. »

Vouloir était une chose, oser en était une autre. Les filles cessèrent de s’embrasser, curieuses de connaître ma réaction. L’une d’elles me lança un salut amusé, sa copine m’encouragea d’un sourire. J’ignore si j’aurais eu le courage de franchir le pas sans leur intervention.

Un endroit réservé aux femmes attirées par les femmes, j’en rêvais. Mais c’était quoi être lesbienne dans le subconscient d’une petite provinciale à la recherche de sa vérité ?

Tu m’as manquée, chère Lola, au moment de passer la porte de l’établissement. Même si ton attirance va aux garçons, tu m’aurais accompagnée pour me soutenir, et nous aurions ri de notre niaiserie. Un élan irrésistible m’entraîna donc de l’avant.

 

– Bonsoir, lança la serveuse. Vous désirez ?

Surprise de l’interpellation directe, je m’approchai du comptoir de zinc.

– Un jus d’orange, osai-je d’une voix intimidée.

– C’est la première fois que vous venez ? me demanda la jeune femme brune vêtue d’une chemise nouée à la taille sur un jean, soucieuse de me mettre à l’aise.

Je répondis d’un signe de tête, agacée par ma nervosité.

« Bonsoir ! » balança une autre voix.

L’éclat du sourire béat soudainement gravé dans le visage poupon de la serveuse m’incita à faire un demi-tour. Se tenait dans mon dos une grande femme d’une quarantaine d’années, fière sans arrogance, un peu comme notre professeur d’anglais au Lycée ; tu te souviens sans doute, ma chère amie, de mlle Delaire. Bref ! Á la manière de se regarder, il ne faisait aucun doute que ces deux filaient le parfait amour.

– Je m’appelle Hélène, souffla l’arrivante, appliquant ses joues sur les miennes.

– Anaïs, balbutiai-je, abasourdie de la bise amicale.

– Sois la bienvenue dans mon modeste bistrot. N’hésite pas à demander à Gaëlle ou à moi en cas de besoin.

 

Annoncée par la gérante du bar vers 19 h 30, la clientèle formée d’une trentaine d’habituées s’éparpilla entre le comptoir et les tables dans une ambiance bon enfant.

Zut alors ! Je m’attendais à subir les regards comme un morceau de viande sur un étal, au lieu de ça ma présence passait inaperçue. Ma première apparition dans un bar lesbien ne provoquait aucune réaction. A mourir de rire, chère Lola, ou plutôt de honte. C’est bien cette impression qui me rattrapa, au point de désirer prendre la fuite. Les habituées du lieu étaient du genre à porter la tignasse courte, un débardeur sur un jean. Alors imagine une nana en petite robe d’été à la longue chevelure claire, repérable comme un bouton sur le nez.

– Oups ! Désolée, lança une voix tout près de moi.

Le temps de tourner la tête sur la droite, je sentis mon bras emprisonné dans une main douce. L’inconnue essuya de son autre main le liquide froid qu’elle avait renversé. Le geste ressemblait à une caresse.

– Heureusement que ce n’est pas sur le tissu, dit-elle à la volée.

De nouveau la honte s’empara de moi. Quelle idée de me saper ainsi ! L’inconnue souleva mon menton d’un doigt, ses grands yeux sombres de biche sondèrent mon regard.

– Hé ! je ne me moque pas. Tu es craquante dans ta robe. J’en porte aussi, mais là, je n’ai pas pris la peine de me changer après le boulot.

Rassurée par le timbre à la fois doux et espiègle, je dévisageai l’inconnue. Un joli carré mi-long brun encadrait l’ovale doux du visage, on apercevait sous la longue mèche au raz du regard des sourcils bien dessinés. Le nez fin, droit, surplombait une petite bouche aux lèvres charnues.

Le chemisier blanc écru ouvert sur une gorge appétissante, les seins libres flottaient sous le tissu. Le pantalon de lin blanc moulait des cuisses fuselées sur de longues jambes. Je regrettai de ne pas voir ses fesses, mon péché mignon. D’un âge indéfinissable, entre 20 et 30 ans, elle était d’une beauté naturelle, sans tape-à-l’œil.

– Tu fais quoi comme travail ? si elle me tutoyait, je devais en faire autant. La question avait fusé, juste pour la faire parler. Le timbre de sa voix me retournait.

– Je bosse dans une agence de casting.

Le souvenir de la publicité pour Coco Mademoiselle envahit mon esprit. La coiffure était différente mais…

– Dans une agence, pas pour une agence, gloussa l’inconnue devant mon air ahuri. Je ne suis pas mannequin, je les recrute. Je m’appelle Sarah, et toi ?

– Anaïs, dis-je, décontenancée.

Ô Lola ! Jamais je ne m’étais sentie aussi paumée. L’inconnue avait tout pour me séduire, la beauté, l’assurance, et pourtant elle me faisait peur. C’était comme si j’étais attirée par un feu, sachant le risque de m’y brûler. Sans doute aussi, l’inexpérience jouait en ma défaveur.

– Parle-moi de toi, susurra Sarah, comme pressée d’en apprendre sur une ingénue. Tu donnes l’impression de porter un malheur trop lourd pour tes épaules.

Qui étais-je ? Le savais-je alors que ma vie venait de basculer ? Je racontai mon enfance vide dans un bled de la banlieue d’Orléans, parmi 3000 habitants à l’esprit étroit, refusant d’évoluer avec le monde. La sensation d’être différente dès les prémices de l’adolescence, le rejet du modèle social imposé, le refus de la soumission aux garçons, puis à un garçon qui serait devenu mon époux. Car je regardais les filles en secret. Sans en connaître la raison, je n’étais bien qu’en leur présence, ne trouvais de beauté que dans leur sourire, et d’attirance que dans leurs formes rondes. Toute manifestation de machisme m’était insupportable.

Prévenir les parents m’avait semblé honnête, leur mesquinerie s’abattit avec la violence de l’orage. Contrainte de quitter le domicile parental à tout juste 18 ans, je venais d’emménager seule dans le pied-à-terre parisien d’un oncle vivant à Londres.

– Et tu es entrée dans ce bistrot à la recherche de réponses. Même si je doute que ce soit l’endroit rêvé pour cela.

Sarah me décontenançait, cela devenait une habitude. La main attendrie sur mon bras nu m’arracha un soupir, savant mélange d’inquiétude et de volupté.

– Je passe embrasser Hélène et Gaëlle qui sont adorables, mais la clientèle ici n’est pas du tout mon genre. Je suis une lipstick.

Devais-je passer la soirée à jouer l’ahurie ? Sans doute. Mon interlocutrice commanda deux verres. Je l’évaluai une nouvelle fois du regard, incapable de ne pas la trouver belle.

– Si tu m’avais croisée dans la rue, tu aurais deviné que je suis attirée par les filles ? Non, bien sûr. Les lipsticks sont d’allure féminine, certaines se maquillent, elles portent la jupe ou la robe comme le pantalon. Nous revendiquons notre sexualité, mais nous voulons passer inaperçues. C’est le concept de la lesbienne invisible. Assez parlé de moi, raconte-moi ce qui t’amène ici.

La première gorgée du cocktail me réchauffa la gorge.

 

Une partie de la soirée s’écoula ainsi, à évoquer ma courte vie face à une inconnue charmante et charmeuse au bout du comptoir d’un bar lesbien du Marais, le quartier gay de Paris. Sarah savait écouter, provoquer même les confidences, elle parvenait presque à me mettre à l’aise, moi, la provinciale timide. Ma belle interlocutrice pouvait, par quelques interventions intelligentes, sans donner l’impression de s’imposer, provoquer la narratrice qui sommeillait moi.

– Blabla, blabla, blabla… Voici donc pourquoi je suis arrivée à Paris ce matin. Mon oncle me prête son petit appartement, à quelques rues d’ici, à la condition que je reprenne mes études à la rentrée. Il s’occupe des démarches avec la Sorbonne.

– Laisse-moi deviner, s’amusa Sarah, tu vas entrer en section de lettres modernes. Á la manière dont tu parles, tu aimes écrire. Je parie que tu t’éclates à rédiger un journal.

– Euh… fis-je, décontenancée par la pertinence, oui pour les études mais pas pour le journal, j’entretiens une correspondance avec une amie d’enfance. C’est idiot…

– Non ! me coupa-t-elle en prenant mes mains dans les siennes. Coucher ce qui t’arrive sur le papier permet de cerner tes émotions, de comprendre les aléas du monde qui t’entoure, alors ce n’est pas idiot.

On parlait depuis un bon moment, j’avais avalé un second cocktail, la pendule au-dessus du comptoir affichait 22 heures, le temps passait à une vitesse folle, et la douceur des mains sur les miennes attisait en moi un désir inconnu.

Il nous était arrivé de nous embrasser, ma tendre Lola, pendant nos années au collège. Tu t’en souviens ? La première fois c’était dans ta chambre. On avait joué à touche-pipi aussi, histoire de faire connaissance avec ces nouveaux corps que la nature nous offrait à la puberté. Plus tard au lycée j’avais éprouvé le désir d’embrasser une fille, de ressentir sa chaleur, mais jamais au point de franchir le pas. Mes jeux en solitaire ne concernaient que moi : des attouchements sans fantaisies aux résultats contrastés, balbutiements d’un plaisir dont j’ignorais tout, impossible à maîtriser. Personne jusqu’à ce soir, pas même toi mon amie adorée, ne s’était imposé à mon esprit comme l’expression du fantasme absolu. Une idée pas très sage m’effleura, amenée par quelques morceaux de house-music.

– Tu me fais danser ?

Mon audace me parut en cet instant de l’impertinence pure, je blêmis d’avoir peut-être tout gâché dans ma précipitation. J’aurais pu lui dire un banal « On va danser. » plus conventionnel, mais je tenais à faire passer le message. Aussi je m’attendais à être remise à sa place.

Sarah sourit, la brillance dans ses yeux de biche s’accentua, elle m’entraîna sans dire un mot sur la piste de danse entre le comptoir de zinc et les tables.

 

Le mouvement circulaire des ses hanches s’adapta au mien, à distance respectueuse, presque trop, sans cesser de me contempler. Je compris sans tarder l’éloquence du regard dans le mien, aussi je laissai parler mon corps au rythme de la musique. Le balancement des bras de Sarah autour de mon cou, puis le long de mon buste, semblait redessiner ma silhouette. J’attendais avec impatience de sentir les mains de ma cavalière sur mes hanches, ou dans mon dos, n’importe où sur ma peau. Mais non, pas le moindre effleurement. Alors, en prenant garde de ne rien brusquer, je raccourcis la distance entre nous.

Amusée de ma tentative de rapprochement, Sarah me contra en lançant un collé serré de côté. Elle répondit alors à chacun des mes mouvements vers la droite par une torsion vers la gauche, comme pour m’échapper. Son regard rivé au mien disait qu’elle n’irait pas loin. Ça devenait chaud, au point que la piste s’était vidée autour de nous. Mais, pour la première fois, je m’en fichais de me donner en spectacle.

Le rythme de la musique ralentit encore, pour un slow véritable. Sarah reprit sa position de face, et m’enlaça enfin. Je ne pus retenir un frisson. Ses mains entrèrent en mouvement entre mon dos et mes hanches, prodiguant des caresses inconnues, enivrantes. Elle lécha sa lèvre inférieure d’un coup de langue humide, érotisme suprême, avec une lenteur consommée. Sa poitrine se frotta contre la mienne qui durcit, soudain à l’étroit dans le soutien-gorge. N’y tenant plus, je baissai les yeux un instant dans l’échancrure de la chemise de ma cavalière. J’imaginai ses tétons contre les miens, et me retins avec peine de prendre ses seins à pleines mains, une chaude moiteur s’empara de mon entrejambe.

J’en étais toute retournée, chère Lola. C’est donc ça le désir ? Ressentir la transformation de son corps jusqu’à mettre son âme à nu, percevoir une présence par chacun des pores de sa peau, souhaiter se fondre dans l’autre au point de ne plus faire qu’une seule entité.

J’attendais un baiser, je l’espérais, chaque parcelle de mon être criait d’accepter l’évidence de ce qui allait se passer. Mais Sarah n’en profita pas. Elle continua de m’observer, de sonder mon regard, de rester spectatrice face à la perte de mon innocence. Je me sentais belle dans ses yeux, alanguie dans ses bras, décidée à tout lui donner de moi, pourtant elle ne prit rien de ce qui lui était offert. Comme si ce n’était ni l’instant ni l’endroit.

Sarah saisit ma main à la fin de la musique, et me ramena sagement près du comptoir. Son expression redevint celle d’une gentille jeune femme au comportement amical. J’en étais sonnée.

– Si j’avais dansé comme ça avec un mec, avouai-je grisée par l’alcool, il m’aurait sauté dessus sans hésiter.

– Sans doute, mais je n’en suis pas un. Profiter d’un instant et tirer profit d’un instant de faiblesse sont deux choses différentes. Je vois que tu n’as pas l’habitude de boire, ça aurait été malhonnête de ma part.

– C’est vrai que je suis un peu partie. Tu veux bien me raccompagner ?

 

La nuit étalait son insondable beauté sur Paris. Je vivais le premier instant romantique de toute mon existence. Arrivées trop tôt à mon goût au bas de l’immeuble, je n’étais pas pressée de quitter ma belle inconnue. On était sur le trottoir à se regarder, il n’y avait qu’une façon de prolonger cet instant magique.

– Tu montes 5 minutes ?

J’en avais tellement envie que les mots s’étaient échappés de ma bouche, sans le vouloir. Sarah hésita sur la conduite à tenir pour la première fois, pas longtemps, peut-être afin de jauger ma détermination. Je savais que si elle acceptait l’invitation, j’irais jusqu’au bout. Ce fut à moi de lui prendre la main cette fois, pour l’entraîner vers mon nouvel appartement. Une pensée me fit sourire en grimpant les marches jusqu’au 1er étage, je n’avais pas eu le temps de salir, j’étais certaine de la recevoir dans un endroit propre. Mais, au moment de mettre la clé dans la serrure, Sarah me retint dans l’embrasure de la porte.

– Rentre seule, c’est mieux. Tu veux que je passe demain matin avec les croissants ?

L’état d’ébriété m’empêcha sans doute de pleurer. Peut-être aussi ne l’aurais-je pas invitée sans ce même état.

– Á 9 heures, c’est bien ?

– Je serai là sans faute, murmura Sarah avant de poser un baiser léger sur mon front. Puis elle disparut dans l’escalier.

 

Tu vois, douce Lola, c’est sans doute là que se tient la grande différence entre les mecs et les nanas. Je n’aurais pas dormi seule si j’avais été hétéro, car un garçon aurait profité de l’occasion. Je ne dis pas que c’est bien ou mal, juste différent. Nous n’avons pas la même conception des relations humaines. Notre vision du désir, du chemin à parcourir avant de le concrétiser, est bien plus complexe.

 

Nous en reparlerons, mon amie, je te laisse pour ce soir.

Par Orchidée - Publié dans : Roman érotique - Communauté : Volupté féminine
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