Roman érotique

Mardi 11 août 2 11 /08 /Août 08:23

joy argentoMa très chère Lola,

 

Tu veux des détails sur mon premier14 juillet parisien ? J’ai de vagues souvenirs des cris d’une foule en délire, de quelques pétards dans le quartier. Le feu d’artifice a été tiré chez moi. Sandrine a répondu à mes attentes, sans doute davantage. Le sommeil nous a fauchées bien après le lever du jour, mortes de fatigue, comblées l’une et l’autre. Comment décrire un déluge de caresses et de baisers, une avalanche d’orgasmes. Je ne pensais pas qu’un tel débordement soit possible.

Le 14 en fin d’après-midi, mon amante rentrait chez elle. Le 15 ne me voyait quitter le lit que pour manger ou aller aux toilettes. Le 16, pressée de me rendre à l’agence, le maquillage s’avérait indispensable pour masquer des cernes encore visibles.

 

Je repris le cours de mon existence, l’esprit libéré, décidée à croquer la pomme sans m’occuper du reste. Le temps perdu ne peut se rattraper, ça donne envie de ne pas en gaspiller davantage. Les occasions à saisir sont nombreuses, je ne m’en prive pas.

Un appel de Viviane a retenu mon attention. Elle paraissait au téléphone si perdue et si excitée à la fois, je souhaitais lui accorder du temps. L’engagement fut pris de nous retrouver à la terrasse de la Place Verte, incontournable dans le XIème arrondissement, quartier des boîtes de production et des graphistes. Elle aurait voulu me voir à son domicile ou au mien, mais un rendez-vous pour un contrat photo restait une priorité.

 

L’arrivée de Viviane coïncida avec le réveil de mon estomac. La grande terrasse attirant du monde, je lui fis signe de me rejoindre. Une minute d’inattention, ne serait-ce que pour l’accueillir, et la table aurait été prise d’assaut. Je prenais mes marques dans la capitale, j’apprenais à jouer du coude si nécessaire.

Mon imitation préférée d’Emma Watson resta dans le flou le temps du déjeuner composé d’une salade pour moi, d’un burger pour elle, le tout arrosé d’une bouteille d’eau. Sans aucun doute la foule bruyante autour de nous la retint de s’épancher. Elle se contenta de compliments au sujet de ma nouvelle coiffure, d’évoquer la teneur du contrat signé dans la matinée.

– Tu ne veux pas qu’on aille chez toi ? plaça ma copine au moment du café.

L’émotion inhabituelle dans sa voix m’alerta. L’amitié commandait d’accepter malgré le désir de profiter du soleil. On s’enfonça sous terre pour une balade dans le métro.

 

Pénétrer dans mon immeuble se faisait avec le sourire d’habitude, la mamie au rez-de-chaussée se tenait à sa porte entrebâillée après avoir reconnu nos pas et nos rires, elle nous saluait d’un mot gentil. Pas aujourd’hui. Pourquoi un air empreint de mélancolie, de gravité, marquait son visage de rides d’expression, au point de faire passer son maigre sourire pour une grimace.

Viviane s’installa sur un tabouret, fit rouler distraitement sur le comptoir un stylo que j’avais oublié de ranger. Ses épaules voûtées portaient une misère bien lourde.

– Luc est partit pour Barcelone hier.

– C’est ce qui était prévu, non ? balançai-je en posant deux verres et une bouteille d’eau sur la table. Tu le rejoins en fin de semaine au début de tes vacances.

Maintes fois elle avait évoqué le programme, heureuse de visiter l’Espagne, de changer d’air. Et là, à l’instant de toucher son rêve, ma copine semblait aussi perdue qu’au téléphone ce matin, mais l’énervement avait disparu.

– Je ne sais pas.

Sa réponse instinctive alourdit l’air ambiant déjà chaud. Je patientai, les explications allaient suivre, conséquence logique à sa déclaration première. Les nanas prennent leur temps au lit, aussi dans une discussion sérieuse.

– Tu as autre chose à boire que de l’eau ?

Là, je tombai des nues une seconde fois en moins d’une minute.

– De la bière si tu veux (quelques unes traînaient dans le réfrigérateur pour Sandrine) ou de la vodka lemon. Du vin aussi et du whisky (un souvenir du passage de mon oncle).

– Un whisky, oui, murmura-t-elle sans me regarder.

Patiente, j’extirpai un joli verre du placard, je remplis un bol de glaçons, et posai le tout avec une bouteille de Jack Daniel’s sous son nez. L’inquiétude faisait des nœuds dans mon ventre.

 

– Une dispute entre vous ? osai-je après lui avoir laissé le temps d’avaler deux rasades d’alcool. Ce n’est peut-être rien.

– Non. En fait… je n’ai pas envie de le rejoindre… Je suis amoureuse de toi.

La catastrophe ! Car son amitié m’était précieuse, couper les ponts m’aurait fait mal. Bien sûr on prenait le risque avec Sandrine, mais c’était différent, Sandrine avait bien plus de maturité. Et puis Sarah, elle n’allait pas rester indéfiniment à New York. Pour le coup, j’éprouvai moi aussi un pathétique besoin de boire autre chose que de l’eau.

– Tu sais… j’hésitai car le « ma chérie » amical habituel risquait d’être mal interprété, je tiens à toi aussi, mais pas comme ça. Tu n’es pas lesbienne, moi si. Ça ne peut pas marcher entre nous. Et puis la fidélité, rentrer chaque soir avec la même nana, ce n’est pas mon truc. Enfin, peut-être plus tard ça le deviendra, mais je suis trop jeune pour m’engager. Tu mérites mieux. Je suis sûre que tu aimes encore ton mec. Il te manque alors tu fantasmes sur moi, demain on s’amusera de cette connerie… Dis-moi que ce n’est pas sérieux !

En temps normal, un minimum de réflexion m’aurait poussée à mettre de l’ordre dans ma tête avant de balancer ces mots à la volée, juste par réflexe défensif. Oui mais en temps normal, celle que je considérais comme ma meilleure amie ne m’annonçait pas son amour avec un air de chien battu après deux verres d’alcool. Je lui en servis un troisième tandis que je m’offrais le premier. La brûlure du malt dans ma gorge ne calma pas l’angoisse dans ma poitrine.

Amoureuse à la fois des belles lettres et d’une entière liberté de penser, Céline, Hugo, Simone de Beauvoir dont je me revendiquais de l’enseignement, comment pouvais-je en arriver à formuler des pensées bourgeoises dans un langage aussi vulgaire.

– Je ne sais pas le faire avec une fille, lança Viviane sur un ton élevé, alors tu m’apprendras. Je veux devenir une vraie lesbienne moi aussi. Et puis je ne t’empêcherai pas d’en voir d’autres, tu es libre. Avec Luc, ça ne marche plus depuis que je t’ai rencontrée. On a déjà couché ensemble, toi et moi. J’ai été nulle, mais tu me diras comment faire. Je me rattraperai, c’est promis.

Par esprit de mimétisme ou emportée par un trop plein d’émotions, la pauvre mélangeait tout, comme je l’avais fait dans ma tirade précédente. Loin de me consoler, cette démarche mettait nos faiblesses en avant, les siennes comme les miennes. Un autre verre s’imposa.

Deux personnes tombent amoureuses parfois, sans considération du sexe de chacune. Alors une histoire est possible, il suffit de faire confiance à la force des sentiments, et les corps se mettent en concordance. D’autres fois, on peut réagir au bien-être du moment, passer indifféremment de l’un à l’autre pour un plaisir purement charnel, c’est la bisexualité. Ou alors, comme moi, une femme ne peut concevoir son existence qu’avec des femmes, sur le plan sentimental et physique, refuser jusqu’à l’idée d’une éventuelle mutation.

Pourquoi une lipstick n’attire-t-elle pas les regards dans les lieux de drague lesbiens ? La peur de souffrir retient les autres femmes de s’impliquer avec des filles qui pourraient les abandonner pour un homme sans prévenir. Nous sommes soumises aussi aux lois de la nature humaine, on ne peut pas savoir si un couple va tenir sur la durée. S’engager avec une nana à l’orientation sexuelle indéterminée représente une menace supplémentaire de rupture que beaucoup préfèrent éviter.

Si Viviane avait exprimé le souhait d’un câlin, je me serais fait un malin plaisir de la déniaiser, de lui montrer l’étendue des possibilités du sexe au féminin pluriel. Mais en l’occurrence, elle ne demandait pas un aller simple pour un voyage orgasmique. Son sentiment singulier m’effrayait au point de perdre pied.

Voici ce que j’aurais voulu lui dire, une construction logique d’idées sages, une démonstration sereine et imparable, quasi mathématique, de mes arguments. Mais la spontanéité amenée par une troisième rasade de whisky joua en ma défaveur.

– Écoute, ma chérie, lui murmurai-je en l’enlaçant, le mois dernier t’étais déjà comme ça après tes règles. Oui, j’ai bonne mémoire. Mais au moins tu étais rigolote. Là, tu ne fais pas rire du tout avec ton histoire d’amour. Alors oublie ça. On va se saouler si tu veux, tu peux même dormir ici car tu n’es déjà plus en état de rentrer chez toi, et demain on se marrera comme avant.

Viviane décolla sa joue de la mienne, son regard brillant plongea dans le mien.

– D’accord.

 

L’atmosphère se détendit un peu, sans vraiment retomber dans l’insouciance habituelle. Notre audace nous poussa à finir la bouteille de whisky. Je me souviens aussi d’un vague coup d’œil à la pendule murale, des 16 heures affichées. La fin d’après-midi et la soirée sont inscrites par bribes dans ma mémoire défaillante.

On a évoqué mon plaisir grandissant à exercer le métier de mannequin, la possibilité de lancer ma carrière, des enviables retombées financières en contrepartie. On a parlé des filles aussi, puis des filles avec les filles. Je me souviens d’une question :

« Qu’est-ce que tu préfères, toi ? Qu’une nana te lèche le minou ou qu’elle te prenne avec une bite en plastique. »

Emportée par l’alcool, j’ai reconnu être mal à l’aise avec le touché vaginal. Alors une insertion, non merci. Et puis si j’avais voulu me prendre un phallus entre les cuisses, je serais devenu hétéro. Le cunni oui, le faire et en bénéficier, les caresses, les baisers partout, une langue dans ma chatte et sur mon clito. J’aime tout en fait, sauf la pénétration.

Histoire de jouer le jeu, ou de ne pas paraître trop conne, je lui retournai la question :

« Toi, avec un mec, c’est quoi ce qui te fait planer ? »

Viviane répondit qu’elle appréciait de sentir une queue (son terme) dans le vagin, la sensation d’être remplie par un corps étranger, mais qu’elle avait besoin d’une stimulation du clito pour se laisser aller à l’orgasme. Elle regrettait aussi la rapidité des préliminaires, d’être prise parfois sans aucune préparation.

On en conclut en riant que la masturbation restait un excellent moyen de jouir sans faire chier (une expression commune) personne. Dommage que ce ne soit pas top pour la tendresse.

J’enfilai ensuite un pyjama, et en prêtai un à Viviane. Ils étaient déjà grands pour moi, alors la pauvre nageait dedans, ou plutôt s’y noyait. Enfin un premier rire sincère partagé, sans équivoque, l’impression de retrouver la complicité magique de notre relation.

On se coucha l’une à côté de l’autre, sans aucun contact entre nous, et on s’endormit avant la tombée de la nuit.

 

– Merde !

Le juron étouffé me tira de ma léthargie sans rêve. Je réussis à force de tâtonnement à trouver l’interrupteur de la lampe de chevet. La scène valait le détour.

Viviane semblait tétanisée au centre de la chambre par la lumière soudaine, incapable de faire un geste comme un petit animal surpris par les phares d’une voiture sur une route de campagne la nuit. Le cheveu hirsute, le verre d’eau suspendu à ses lèvres, elle me fixait du regard, incertaine de ma réaction.

La veste trop grande du pyjama blanc baillait, l’échancrure laissait voir presque entièrement un sein tendu, l’autre restait sous le tissu. Le pan droit sur le haut de la cuisse, le gauche était soulevé dans sa main au niveau de la hanche. Le cordon mal serré sans doute, le pantalon avait glissé en un mont difforme à ses pieds. Droite sur ses jambes, elle m’offrait involontairement la vision de son bassin, de son intimité, et de ses cuisses légèrement écartées, dans une position plus comique qu’érotique.

– Pourquoi tu n’as pas allumé la lumière ?

Ma question noyée dans un rire lui rendit son sourire.

– Je ne voulais pas te réveiller… J’avais soif, balbutia ma copine sans même baisser la main, le verre semblait collé à sa bouche.  Mon pantalon a glissé d’un coup, j’ai failli me casser la gueule.

– Ne bouge pas ! ordonnai-je en m’emparant de mon téléphone portable, toujours à portée sur la table de chevet.

Sélection rapide dans le menu, le téléphone se transforma en appareil photo.

– Qu’est-ce que tu fous ? réagit Viviane dans la fraîcheur d’un rire.

– J’immortalise la scène.

Après s’être prêtée au jeu, elle se retourna en direction du comptoir. Le fait que nous soyons réveillées toutes les deux l’incitait sans doute à boire dans la cuisine avant de revenir se coucher. Le verre tendu avec précaution pour ne pas le renverser, incapable de remonter le pantalon sans prendre le risque de mettre de l’eau sur le parquet, elle s’avança à petits pas glissés sur le sol, les pieds enchevêtrés dans le tissu.

– Soulève la veste, intimai-je sur le ton d’une gamine en train de s’amuser.

Viviane s’exécuta, heureuse de se comporter aussi en adolescente attardée, et continua sa lente progression. Je m’étais levée pour la suivre, l’appareil en action, prenant photos sur photos de son petit cul ainsi balancé.

Enfin arrivée au comptoir, elle avala le contenu du verre d’une traite, le reposa puis se retourna. Ma présence à un mètre lui donna une idée.

– Tu peux photographier ça aussi, lança-t-elle dans un rire, le bassin projeté en avant. Le geste m’offrit la vision du petit triangle de poils sur son abricot lisse.

Je la voulais ainsi, chahuteuse, jeune et fraîche, libre, sans arrière-pensées. Elle comprit sans doute le message muet.

– Excuse-moi pour hier, on n’en parle plus.

 

Deux heures du matin, l’envie de dormir évaporée, le lit transformé en véritable terrain de jeux, on s’éclatait à en perdre haleine. Chacune retournait l’autre, essayait de prendre le dessus comme des gamines à la lutte, chatouillait à l’occasion ou mordillait l’adversaire. Les pyjamas cédèrent dans la confusion. Les boutons détachés, les vestes largement ouvertes, les pantalons baillaient ou glissaient sur des cuisses, au point qu’on finit par ne plus les remonter.

Alors que je venais de prendre le dessus, immobilisant ma proie, mon regard se trouva juste à la hauteur de sa poitrine. Les petits seins droits, fermes comme à l’adolescence, tendaient vers moi comme une provocation. Davantage avec l’esprit joueur que canaille, je gobai un téton, le faisant rouler sous la langue. Le rire de Viviane se transforma en soupir. J’embrassai l’autre de la même manière, heureuse de le sentir grossir dans ma bouche.

Profitant de mon ramollissement éphémère, ma copine me retourna et se retrouva sur moi. Le regard lubrique, elle me gratifia d’un sourire coquin. Notre chahut d’adolescentes se transformait sans intention préalable en jeu pour adultes, les rires s’évaporèrent.

Viviane caressa mes seins avec franchise, en maîtresse avertie, puis les embrassa. Sa bouche sur ma peau provoqua la réaction attendue, mes tétons se développèrent. Elle les aspira tour à tour, et joua de la langue sur les aréoles. J’étais aux anges.

Encouragée par cette victoire, elle glissa sur mon ventre, le couvrit d’une myriade de baisers à la tendresse savoureuse, et joua de la langue dans mon nombril. Toute envie de résistance envolée, j’attendais la suite sans impatience. Car suite il devait y avoir, la spontanéité de ses gestes en était la promesse.

Á la découverte de mon corps, Viviane s’attarda sur mon pubis, les poils n’avaient pas retrouvé leur longueur initiale mais repoussaient. Sa bouche perdue dans ma toison, le regard accroché au mien, Elle toucha ma fente d’un doigt. L’excitation psychique déclencha aussitôt mes sécrétions. Mon amante s’en aperçut sans doute, car elle me toisa d’un sourire non plus coquin, mais d’une tendresse désarmante avant de glisser son visage entre mes cuisses.

Elle écarta mes grandes lèvres et resta un moment à regarder mes chairs, hésitante. Ce n’était pas à moi de lui dire, de la forcer ou de la décourager. Je devais accepter son choix. L’attente était une délicieuse torture que j’admettais de prolonger. Si le courage lui manquait alors tant pis, je ne lui en voudrais pas.

Viviane s’enhardit, posant des baisers humides de chaque côté au niveau de l’aine. Son souffle sur ma peau me remplissait déjà de bonheur. Puis, relâchant mes pétales, elle embrassa ma fente avec délicatesse, comme un petit animal blessé. De savoir que j’étais sa première m’émoustillait. Enfin, elle osa toucher ma plaie intime de la pointe de sa langue. Elle releva son visage un court instant, me sourit comme si je venais de lui faire découvrir une saveur délicieuse. Et ce goût était le mien. Puis elle disparut de nouveau entre mes cuisses.

Sa langue s’enhardit cette fois, se fit plus pressante, sa bouche devint vorace.

Les yeux fermés, les narines pincées, je me laissai aller, une main sur mes seins et l’autre dans les cheveux de mon amante. D’un soupir d’encouragement ou d’un mot tendre, je la guidai dans mes chairs dilatées, lui indiquai la caresse de la langue ou du doigt.

Viviane continua de me lécher, de fouiller ma grotte, de me masturber jusqu’à la montée d’un plaisir décuplé par la situation. De savoir que j’étais la première à bénéficier ainsi de sa générosité donna plus d’intensité à mon orgasme. Je jouis presque sauvagement, plaquant sa tête contre moi d’une main autoritaire, pour garder sa bouche ouverte sur ma fente jusqu’à la fin.

 

Elle s’agenouilla sur le lit, retrouva son air d’adolescente ravie d’une bonne blague, et essuya ses lèvres brillantes de ma mouille sur son avant-bras.

Par Orchidée - Publié dans : Roman érotique - Communauté : Volupté féminine
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Vendredi 7 août 5 07 /08 /Août 08:33

joy argentoMa chère Lola,

Nous voici à la veille de la fête nationale, le moment est venu de faire le point après un mois et demi d’existence parisienne. Les cours à la Sorbonne commenceront début octobre. Mon dossier, enfin complet, a été validé. La présence de mon oncle Alain, venu deux jours à Paris, y a été pour beaucoup. Il s’est marré devant mes posters. Quant à la mamie, elle n’y a prêté aucune attention, je ne sais même pas si elle les a vus.

Viviane se fait pressante, mais je ne peux pas me résoudre à couper les liens. J’aime beaucoup sa présence, son humour, son style un peu déjanté. Née deux ans avant moi, elle fait davantage gamine. Paris en sa compagnie est vraiment la plus belle ville du monde.

Sandrine et moi, nous nous voyons de temps à autre. J’ai joué franc jeu en reconnaissant être à la recherche d’une relation exclusivement sexuelle, cela lui convient. Parfois, on se permet un flirt un peu poussé dans un des cafés du Marais. Inutile de dire qu’on est vite repérées.

J’ai reçu un autre coup de fil de New York. Pourquoi, dès que je pense l’oublier, Sarah veut se rappeler à mon souvenir ? C’est une torture dont je me passerais volontiers. Après son appel, un passage dans la salle de bains s’imposa. La psyché me renvoya le portrait d’une gamine aux yeux embués. Peut-être que le problème venait de là, peut-être que si je ne me comportais plus comme une gosse minaudant au téléphone, Sarah accepterait de rentrer, de me revoir. Alors notre histoire commencerait enfin.

Un appel s’imposait dans cet optique. Un timbre maintenant connu résonna dans l’écouteur au bout de quelques minutes d’attente.

– Bonjour Anaïs, comment vas-tu ? Tu veux passer pour un coup de peigne ?

– Salut Gaëlle. Je préfèrerais que tu viennes chez moi avec ton matériel et des catalogues, j’ai pris une décision.

– Bien, finit-elle par consentir après réflexion, donne-moi l’adresse. J’y serai à 16 heures.

 

Chaque employée de ce salon réputé suit ses clientes avec assiduité, et Gaëlle s’occupe de mes cheveux depuis que Sarah nous a présentées. Le coiffage est un instant privilégié, on se comporte l’une envers l’autre comme des amies. Après avoir feuilleté les catalogues devant une tasse de thé afin de choisir le modèle, je m’installai dans la salle de bains face à la psyché.

Trois heures plus tard, Gaëlle rangeait son matériel, je ne pouvais pas détacher mon regard de l’image reflétée dans le miroir. Le dégradé donnait du volume, l’effet coiffé-décoiffé apportait une touche sauvage. La coiffure ne me vieillissait pas, elle rendait cependant l’observateur incapable de me donner un âge. J’avais changé de tête.

– Et pour l’entretien ? demandai-je, prête à sacrifier du temps pour conserver cette image.

– Plus facile qu’il n’y parait, ma belle, sourit Gaëlle en déposant un vaporisateur sur l’étagère, puis en se replaçant dans mon dos. Tu travailles la masse comme ceci.

Ses doigts fins s’enfoncèrent de nouveau dans ma tignasse claire aux reflets naturels blonds.

– Je t’ai laissé un shampoing sec, c’est parfait pour sortir après le travail. Tu n’auras pas à te mouiller les cheveux et à les faire sécher.

Je la remerciai d’une bise sonore sur la joue. La note était pour l’agence. En parlant de l’agence, Marc allait avoir du travail afin de mettre mon book à jour.

 

Sandrine sur le pas de la porte se retourna longuement vers ses collègues. J’imaginai l’espiègle exagérer sa révérence à l’instant de prendre ses vacances, histoire de faire des jaloux. Enfin elle se retourna, et parcourut les quelques mètres de trottoir qui séparaient le cabinet d’assurance de la terrasse à laquelle j’étais installée.

– Salut !

Sandrine suspendit sa démarche légère pour inspecter les tables d’où l’appel semblait provenir. Son regard sur moi traduisit la stupéfaction. Était-ce parce que je l’attendais pour la première fois à la sortie du boulot ?

– Ça alors ! bredouilla-t-elle, incapable du moindre geste. Je… tu…

Son air ahuri tinta à mes oreilles comme le plus beau des compliments. Ainsi, selon toutes mes prévisions, ce changement d’aspect incitait à me regarder différemment. J’invitai d’un geste de la main Sandrine à s’asseoir près de moi. Le serveur la suivit de près.

– Une bouteille de champagne rosé, s’il vous plait, commandai-je avec spontanéité, comme si je n’accordais de valeur qu’à ce breuvage.

La somme des regards sur moi augmenta encore, et le désir d’en jouer se fit plus pressant. Une main dans le cou de mon amie, j’attirai son visage toujours empreint de stupéfaction, et posai mes lèvres sur les siennes. Sa bouche s’ouvrit par réflexe, j’en profitai pour lui offrir un baiser profond, passionné. Le tintement des coupes sur le plateau signifia le retour du garçon de café. Il patienta, éberlué, désireux de ne pas bousculer des clientes qui venaient de lui commander une bouteille facturée à 120 euros.

– Ne me dis pas que tu fais ça pour arroser mes vacances, s’amusa Sandrine en reprenant son souffle, ou je poserai souvent des congés.

– C’est une raison parmi d’autres. On va faire la fête, ce soir.

 

J’apprenais vite, le monde allait s’en apercevoir. C’est dans cette optique que j’avais défini ce que nous devions porter. Un bref passage chez Sandrine afin qu’elle se douche, j’étudiai avec soin le contenu de sa garde robe. Mon choix fait, j’ajoutai une tenue décontractée, des sous-vêtements de rechange, quelques affaires de toilettes dans un sac.

Entre les bars lesbiens du Marais et le bal des pompiers rue de Sévigné, on pouvait s’éclater à proximité de chez moi sans devoir changer de quartier. Ensuite, passer le 14 juillet au lit dans ses bras me satisfaisait. Dire que ce serait le moyen de récupérer des forces…

 

Sandrine me laissa jouer à la poupée avec son corps. Habituée ces derniers temps aux mains expertes des habilleuses professionnelles, je jubilais de changer de rôle. La pauvre se soumit sans broncher à mes caprices. Puis vint le temps de m’occuper de moi. Enfin, la grande psyché collée à la porte de la salle de bain livra son verdict.

La chemise à manches longues blanche de coton nouée sur le ventre, retroussée négligemment au niveau des coudes, un jean taille basse clair à l’effet usé, la limite entre ce qui était montré et ce qui était suggéré apparaissait flou. Sandrine me laissa arranger sa coiffure.

– Je n’ai jamais pensé à ce style, dit-elle enchantée du résultat.

Placée dans son dos, je pouvais me régaler du côté pile reflété dans la glace et profiter du côté face. Je ne m’en privai d’ailleurs pas.

– Tu as la morphologie du sablier : largeur des épaules équivalente à celle des hanches, la taille fine, c’est parfait pour toi. Le nœud de la chemise fait toute la différence. Trop haut sous les seins, ça fait étalage de viande, beurk ! Là, tu vois, il dégage juste ton nombril. Quand on a un nombril pareil, c’est un crime de le cacher. Le jean est très bien, j’aime ce bleu clair délavé. Il moule ton joli cul. Sans la ceinture, ça baille un peu sous tes reins, un appel à la luxure, ma chérie. Alors, pas de ceinture !

– C’est génial de t’écouter, s’enthousiasma mon amie en se décalant sur le côté pour saisir mon image dans la psyché. Qu’est-ce que tu as prévu pour toi ?

– Ma morphologie est en V, le triangle inversé, les hanches plus étroites. J’ai choisi ce bustier à encolure bateau et manches courtes, noir uni, je n’attache pas le second bouton, ça met mes seins en valeur. Pas de froufrous, aucun volume rajouté car je suis large d’épaules. Pour le bas, un short en jean à l’effet usé qui s’accorde au tien, tennis blanches et socquettes. Je te plais ?

Un baiser me le prouva mieux qu’un discours.

 

Ma petite Lola, mon intérêt premier avait été de séduire Sarah, mais je me découvrais à cette occasion une certaine tendance à l’exhibition. Attention, je n’en suis pas à me promener nue dans la rue ; cependant, sentir les regards, me savoir jolie et désirée amenait une véritable émotion, une excitation presque physique. À moi aussi de faire preuve de prudence, car la provocation n’est pas sans risque. Le désir et la jalousie peuvent amener des actes inconsidérés.

On passa d’abord au Nix Café. L’ambiance plutôt calme de ce début de soirée nous plaça sous le feu des projecteurs, des nanas déjà occupées à draguer ou prises dans leurs discussions auraient eu moins tendance à se retourner sur notre passage. Cathy, la serveuse qui avait tant ri au soir de notre rencontre, nous fit la bise. Sandrine et moi étions revenues ensemble plusieurs fois, on nous considérait en couple, ou pas, tant jouer sur l’ambiguïté nous amusait.

– Waouh ! Ça déchire, nous lança-t-elle dans un grand sourire.

Un cocktail offert aux arrivantes pour marquer la fête nationale, et Cathy paraissait davantage attirée par notre compagnie que par son job. La serveuse en salle, une grande brune aux cheveux courts, posa son plateau près de nous, pas seulement pour permettre à sa collègue de le remplir ou le débarrasser plus vite. Elle aussi se laissait prendre au plaisir de m’approcher.

On était bien à ce petit bout de comptoir. Les cocktails d’un côté obligeaient les entrantes à se frotter à nous, le plateau de l’autre incitait les clientes déjà installées à prendre leurs commandes au bar. Le travail des serveuses en était facilité, je me régalais des regards concupiscents. Cathy, rationnelle, se pencha à nos oreilles.

– On a une photographe pour la soirée, histoire d’immortaliser l’ambiance, je peux la coller à vos basques ?

J’acquiesçai, sans laisser le temps à Sandrine de réfléchir à la situation.

 

Mes pensées, d’habitude partagées entre Sarah et mon entrée à la Sorbonne, s’envolèrent vers des horizons nouveaux. Un physique, un boulot qui rapporte, la possibilité de m’éclater, toutes les filles de 18 ans n’avaient pas tant. La possibilité d’une revanche sur mon adolescence gâchée par l’homophobie d’une bande de pecnots, dont mes parents, m’incitait à l’excès. Et alors !

La soirée s’éternisa au Nix, le bal des pompiers à quelques rues d’ici se déroula aussi bien sans nous. Provoquer les hétéros ne nous était d’aucune utilité, faire naître un désir illusoire chez des mâles en rut nous inspirait encore moins. Deux personnes du même sexe main dans la main, ou à s’embrasser, ne provoquaient aucun remous ici. On était chez nous, entre nous, enfin dignes d’une liberté chèrement gagnée.

Bien sûr à Montmartre, la tendresse entre Viviane et moi n’avait soulevé aucun remous. Mais il aurait suffi d’une moquerie déplacée, d’une remarque obscène, d’une insulte, pour voir ressurgir l’incompréhension et la haine. Alors oui, on peut se permettre en plein jour, dans certains lieux, de se montrer telles qu’on est. Mais oser la nuit, dans un endroit grouillant de types perturbés par un taux anormal de testostérone, représentait un risque que nous ne voulions pas courir.

On rentra sagement chez moi à la fermeture.

 

J’estimai avoir assez bu ; deux coupes de champagne à la brasserie et quatre cocktails ensuite me plongeaient dans une douce euphorie, légère mais heureusement consciente. Le summum du ridicule est, pour moi, de s’éclater pour n’en conserver aucun souvenir à cause d’un trop plein d’alcool. Sandrine m’accompagna à la dégustation d’un café au son d’un morceau de Chill out en prélude à notre nuit.

Elle se déshabilla tranquillement, comme elle l’aurait fait seule chez elle, avant de s’installer sur un haut tabouret de bois au comptoir séparant le coin cuisine de la chambre proprement dite. Sans en avoir l’air, j’avais suivi l’effeuillage, l’esprit tourné vers les délices promis. Je l’imitai, et on se retrouva nues, assises côte à côte, avec ce petit brin d’étincelle dans les yeux qui exprime le désir encore sage, presque imperceptible à l’observation d’une tierce personne.

– Super soirée ! gloussa Sandrine, caressant négligemment mes cuisses fermées d’un revers de main. Tu as eu un succès fou.

– Et toi alors ! Tu crois que je n’ai rien remarqué ? Qu’est-ce qu’elle t’a dit à l’oreille, la brune qui restait collée dans ton dos ?

L’épaisseur des murs nous permettait de rire, on ne s’en priva pas.

– Elle imaginait un plan à quatre avec sa copine. Tu nous vois dans une partouze lesbienne !

– Je ne sais pas, mentis-je d’un air faussement ingénu, la regard fixe sur le téton de Sandrine que je titillai d’un doigt. Et toi ?

Elle bomba le torse, le temps de mûrir une réponse. Sa main se fit pressante sur mes cuisses.

– Coucher avec une inconnue, comme nous la première fois, c’est différent. On prend le temps, il y a un cheminement intime avant de conclure. Mais se retrouver dans le même lit avec plusieurs nanas au bout d’une seule soirée, je ne pense pas.

 

Ce n’était pas la première fois, je fus pourtant surprise par la profondeur du baiser. Sandrine savait prendre ma bouche en distillant les premiers effleurements à l’intérieur de mes bras, sur mon cou, mes flancs, sans se précipiter sur les zones trop sensibles. Elle aimait faire monter une lente excitation, lire dans mes yeux la progression du désir, m’amener à la supplier.

Mes mains sur ses formes trahissaient mon impatience. Malgré mes efforts pour l’imiter, pour doser la provocation, je cédais toujours en prenant un sein dans une main, l’autre glissée sur ses fesses rondes, dans le sillon chaud les séparant. Alors son ventre se contractait contre le mien, on remontait nos cuisses pour qu’elles participent à la fête.

Sans trop s’attarder aux préliminaires cette fois, Sandrine me plaqua contre le lit, une main à plat sur ma gorge, le regard brûlant accroché au mien. Elle se pencha lentement et glissa la langue dans mon oreille.

– Tu la veux dans la chatte ?

Ma poitrine se souleva pour toute réponse. Mon amante joua au reptile sur mon corps, comme un serpent aurait reculé au lieu d’avancer, sans me quitter des yeux. Sa bouche s’attarda à peine sur mes seins, le temps de suçoter les pointes tendues, de les faire durcir encore. Une main déjà dans ma touffe, l’autre lui servant d’appui, elle continua sa progression jusqu’à descendre du lit. Reprenant ses gestes lents, elle attira mon bassin au bord de la couche, mes pieds au sol. Dans un réflexe, j’attrapai les oreillers pour les glisser sous ma nuque, désireuse de profiter du spectacle, ajouter au plaisir de recevoir celui de voir.

Agenouillée à même le parquet entre mes cuisses ouvertes, Sandrine comprima mon pubis d’une savante pression, tandis qu’elle ouvrait mes chairs de son autre main. Ses doigts jouèrent dans mon intimité, à l’exploration de ma vulve jusqu’à la zone du clitoris, par touches légères. Je n’aime pas le toucher vaginal, ma chérie l’évita avec soin, concentrée sur le vestibule. Enfin elle se pencha et enfouit sa langue dans ma grotte.

La merveilleuse sensation d’être fouillée m’arracha un premier soupir précipité. Très vite le feu se répandit dans mes entrailles, ma tête bourdonna d’une musique que moi seule pouvais entendre. Les yeux sur sa tignasse qui montait et redescendait au rythme de sa bouche, j’imaginais sa langue dans mes nymphes à la recherche de la liqueur odorante. De son application dépendait l’extase, et Sandrine s’appliqua.

Contrairement à ce que j’avais cru, à ce que mon amante souhaitait sans doute, je fus longue à venir. Comme si mon corps, heureux de l’instant particulier, refusait de se laisser aller. Variant les caresses, Sandrine pinça mon bouton entre ses lèvres, puis l’aspira, laissant ses doigts au chaud dans mes muqueuses.

La délivrance se fit brutale, longue, intense, un véritable orgasme qui m’amena à la limite de l’inconscience. Elle abandonna mon clito, sa langue retrouva la moiteur de ma grotte. Mes mains sur mes seins, la tête renversée dans les oreillers, j’ouvris la bouche sur un feulement rauque, à la recherche d’oxygène.

 

Le temps de récupérer mon souffle, Sandrine s’abandonnait à mes caprices. Je l’allongeai sur le lit et m’accroupis à côté, au niveau de son bassin. Encore haletante, j’en profitai pour l’observer entière, et suivre d’un frôlement des doigts le résultat de mon admiration. Vite, l’effleurement se fit caresses, son corps réagit. Elle gémit de bien-être.

Ma bouche entra dans la danse, je la voulais toute à moi. D’abord sur les bras, dans le cou, sur le ventre, puis des pieds à ses cuisses fermes, ma langue laissa des sillons humides sur sa peau. Je gardai le meilleur pour la fin, son nombril profond avec lequel je jouai.

N’y tenant plus, je m’appropriai ses seins larges, galbés. Leur réaction me ravit. La tête tournée afin de saisir l’expression de son regard, je m’attardai sur les tétons jusqu’à les sentir durs sous ma langue. Puis je repris ma position, la main gauche sur sa poitrine et la droite dans les poils courts de son pubis que Sandrine laissait repousser pour moi.

J’aurais voulu la maintenir ainsi en éveil, prête à toucher l’essentiel sans le faire, la grimace sur ses traits me supplia de mettre un terme au supplice. J’aidai mon amante à se relever, lui offrit un biaiser profond au passage, et m’allongeai à sa place, la tête en hauteur soutenue par les oreillers.

Sandrine comprit, et s’installa à califourchon de manière à voir mon visage. La moiteur de son sexe me donna le vertige. Ma langue aussitôt dans les nymphes, je la léchai pour notre plus grand plaisir partagé. La maintenant par les fesses, j’imprimai à son bassin le rythme du va et vient. Le buste droit, le menton sur sa gorge, elle m’observait d’un regard brillant.

Pensait-elle à la même chose que moi en cet instant, quand la confiance me poussait à lui offrir la caresse suprême, et qu’elle acceptait de poser sur ma bouche ce qu’elle avait de plus secret ? Je me délectai de sa mouille, béate de la sentir sur mes joues, mon menton, heureuse d’en avaler.

Un doigt sur son clito, j’en glissai deux de l’autre main dans son antre. Mon amante les accepta d’un soupir langoureux. Décidée à participer, elle imprima seule la profondeur de la pénétration, ses cuisses serrées autour de mon visage me privaient de bouger.

Triturée par le bouton, la vulve léchée dans ses moindres replis, prise par mes doigts, Sandrine lâcha la bride de son plaisir. Elle se déhancha jusqu’à se raidir sur mes doigts, à écarter presque violemment mon pouce de son clito, et laissa seule ma langue tirer parti de son orgasme.

 

Dans les bras l’une de l’autre, les mains déjà prêtes à une autre escale sur les peaux brillantes de nos ébats, je ne pus retenir une confidence.

– C’est beau une femme qui jouit.

– On sera belle toute la nuit, m’assura Sandrine avant de lover sa langue contre la mienne dans ma bouche affamée.

 

Notre voyage n’en était qu’à ses débuts.

Par Orchidée - Publié dans : Roman érotique - Communauté : Volupté féminine
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Mardi 4 août 2 04 /08 /Août 07:01

joy argentoMa chère Lola,

Tu m’as fait rire dans ta lettre, quand tu dis avoir expliqué à ton mec que l’orgasme n’est pas une question de grosseur de bite ou de performance sportive, plutôt d’être à l’écoute de sa partenaire. Je ne doute pas de ta capacité à lui faire comprendre la leçon.

 

J’ai passé ces derniers jours beaucoup de temps avec le coach de l’agence, ex mannequin elle-même. Franchement, j’aimerais lui ressembler à son âge. Les leçons ne servent pas seulement au boulot. Je me tiens plus droite, je marche mieux, donc je fatigue moins. Je connais les produits bons pour ma peau, ceux à éviter. Mes sourcils ont poussé, ils me donnent un air canaille qui, si j’en crois le coach, est du plus bel effet.

La semaine suivant notre aventure, autant la nommer ainsi, j’ai revu Viviane avec beaucoup de plaisir. Nous nous sommes promenées, on a été au cinéma, elle est venue déjeuner chez moi et j’ai été invitée chez elle. Mais pas le week-end, je la laisse avec son mec. Donc, tout ce temps passé en sa compagnie est un pur bonheur. Une impression me chiffonne cependant, il suffirait de peu qu’elle ne passe de l’autre côté du miroir. Est-ce pour elle un fantasme, un désir, ou un sentiment plus profond envers moi ? La question se pose.

Un coup de téléphone de Sarah m’a déboussolée. Retenue à New York pour le boulot, elle a su me dire que je lui manque, mais pas quand elle envisage de rentrer. Ce que je ressens a aussitôt refait surface, amenant une déprime détestable. En sa présence je voulais simplement être moi, la gentille Anaïs, une personne sincère capable de tout donner.

Si Sarah avait reconnu qu’une autre femme comptait dans sa vie, je n’aurais pas insisté. Mais d’entendre ce « Tu me manques, trésor. » poussa les trompettes de la révolte à résonner dans ma tête. Quand on se retrouvera, car elle finira par revenir, ce sera à moi de la faire courir. Je serai devenue entre temps une maîtresse experte, l’amante incontournable.

 

Un lieu inconnu méritait mon attention : le 3 W Kafé (Woman with Woman). C’est fait, ma petite Lola. Ce célèbre bar lesbien a servi de décor à une scène de « La vie d’Adèle », Palme d’Or au festival de Cannes 2013, tu m’excuseras du peu. Les hommes y sont tolérés, mais on n’en voit pas beaucoup. N’ayant pas davantage aperçu Adèle Exarchopoulos, l’héroïne du film qui me fait craquer, je suis retournée au Nix Café, avec l’intention de me faire une place dans ce microcosme de la « lez attitude ».

Pour une fois, on me remarqua. Un jean beige taille basse et un tee-shirt assorti y furent pour beaucoup. Comme d’habitude pour sortir, je n’étais pas maquillée. Tous ces trucs sont réservés au travail de mannequin, ma peau est très bien au naturel. Un baiser avec ou sans rouge à lèvres n’a pas la même saveur, je préfère sans. Les ongles longs et vernis ? C’est au minimum inconfortable, voire dangereux, au cours d’un rapport lesbien ; un ongle peut blesser les chairs intimes, le vernis peut provoquer des inflammations. En fait, il ne me manquait qu’une casquette pour dissimuler mes longs cheveux. Je me suis contentée d’une queue de cheval haute.

Je venais draguer ou me faire draguer, pas question de repartir seule. Pas question non plus de servir de faire-valoir à n’importe qui. On m’a persuadée que je suis jolie, bien faite, alors ces atouts doivent me servir.

Des copines à Sarah installées à une table me firent une place. Elles m’accueillaient comme une des leurs maintenant. Attitude plaisante mais trop réservée, ces filles ne se draguaient pas, ne couchaient pas entre elles, se retrouvaient pour boire un verre et papoter. Le débat du soir tournait autour du mariage gay enfin reconnut légalement, la volonté ou la nécessité de porter le combat sur un autre terrain. Je finis par m’ennuyer.

– Ça ne va pas, Anaïs ? demanda Nathalie, petite brune de 21 ans étudiante aux Beaux-arts.

– Je ne suis pas venue pour parler politique, répondis-je négligemment, j’ai envie de me faire une nana.

Ce ne fut pas tant l’aveu qui jeta un froid, mais la tournure de phrase employée. Les regards sur ma personne changèrent. Tant pis ! Je les abandonnai bientôt, après avoir repéré une fille esseulée au comptoir.

 

– Salut, tu veux boire quelque chose ?

L’inconnue tourna vers moi une frimousse d’employée de bureau torturée par ses collègues, le genre à crier « Au viol ! » quand un courant d’air s’infiltre sous sa jupe. Il ne me vint pas à l’idée que je lui ressemblais sans doute à mon premier passage dans ce type de lieu.

Sous la chevelure brune flirtant avec ses épaules tombantes, je découvris un joli minois rond, plein, respirant la santé. Les lunettes à fine monture sur un petit nez à peine épaté révélaient deux grands yeux noisette.

– Une bière, merci, glissa une petite voix de gorge intimidée.

Un geste à la barmaid, un sourire entendu, et on nous servit. Mon invitée resta interdite devant le Vittel rondelle.

– Tu ne bois pas ?

Sans l’avouer, je trouvais ridicule de commander la même chose qu’une personne qu’on veut séduire pour s’inventer des points communs et justifier l’abordage.

– Ça m’arrive, mais ce n’est pas bon pour la peau. Á la tienne quand même, fis-je en trinquant, armée de mon plus beau sourire. Comment tu t’appelles ?

– Sandrine, et toi ?

– Anaïs. Tu fais quoi dans la vie, à part profiter d’une belle soirée d’été.

La faire parler, lui montrer de l’intérêt, démonter le savant mécanisme de la séduction par des interventions réfléchies, ne pas jouer les ingénues éblouies, ne pas se mettre en avant ni en arrière, ne pas forcer les confidences mais provoquer le désir d’en faire, lire entre les lignes, tout cela me convenait. Je draguais pour la première fois, avec un plaisir non feint.

Sandrine, qui se sentait hétéro depuis toujours, expliqua l’arrivée d’une nouvelle collègue dans le cabinet d’assurance pour lequel elle travaillait. Lier connaissance lui avait paru normal, se lier d’amitié avait suivi. La nouvelle était lesbienne et, de fil en aiguille, la relation évolua. Sandrine abandonna son mari pour une femme.

– Delphine voulait vivre avec moi mais… je ne sais pas, poursuivit la jeune femme de 25 ans après avoir commandé une autre tournée. Elle donnait l’impression de vouloir régir ma vie, je me sentais prise au piège.

– Ce n’est pas simple en effet de tenir à quelqu’un sans l’étouffer. Alors un coup de blues t’a amenée jusqu’ici.

– Oui, admit-elle avec une facilité naissante, preuve que la belle se détendait en ma compagnie. Retourner vers un homme ? C’est difficile maintenant, je ne pourrai plus me comporter comme avant. Je veux être une femme sans que ce soit un rôle à jouer, tu comprends ? Je fais le ménage pour vivre dans le propre, pas parce que mon devoir d’épouse l’exige.

Sandrine devenait intarissable. Une gorgée de houblon, et elle repartit dans sa diatribe.

– Tu bois de l’eau, c’est ton choix, je le respecte. Qu’on reconnaisse mon droit à aimer la bière sans me traiter de garçon manqué, ou pire. Pourquoi, à diplôme équivalent, une femme est moins bien payée qu’un homme au même poste ? Un mec raconte une histoire de fesses à un repas entre amis ou en famille, tout le monde en rit. Une nana fait la même chose, on la dévisage comme une lépreuse. Merde alors !

Oups ! La liberté de penser entraînait une libération du langage, le vernis policé s’écaillait. Un rire franc tinta à mes oreilles.

– Quoi ? gloussa Sandrine devant mon air déconfit. Tu n’es pas d’accord ?

– Si ! Ta manière de l’exprimer m’amuse, c’est tout. Enfin non, ce n’est pas tout, je dirais plutôt qu’elle me charme.

Le regard noisette à travers les lunettes s’éclipsa un très court instant derrière un battement de paupières appuyé. Laquelle des deux avait touché l’autre ?

– Parle-moi de toi, lança Sandrine enfin calmée.

Prise au jeu, je me laissais aller à certaines confidences, sans entrer dans les détails sordides du rejet parental de mon homosexualité, ni de la grande question de mes sentiments envers Sarah, la présentant comme celle qui m’avait offert une belle opportunité d’emploi. Il ne s’agissait pas d’un manque de confiance, mais du refus d’endosser le vêtement d’une victime. Je voulais la persuader de mes capacités à réussir, lui donner envie de connaître la femme qui vivait en moi, non la pousser à materner une adolescente meurtrie.

– Tu vas reprendre tes études, alors ? demanda Sandrine, un coude sur le comptoir et la joue dans sa main, dans une attitude d’écoute attentive.

– Oh oui ! Je veux bien faire un peu de photos, il faut reconnaître que ça paie, mais ma passion c’est la littérature. Après la Sorbonne, je ne sais pas, prof ou écrivaine… Si, ça se dit, on appelle ça la sexualisation des professions.

Nouvelle étape dans le processus de séduction, on en était à relever avec humour certains mots ou expressions particulières à chacune. L’ironie permettait surtout d’en apprendre sur les espoirs à court terme, sur ce que chacune attendait de l’autre dans l’immédiat, une manière de dédramatiser la situation. Je me fis prendre de vitesse par Sandrine à ce jeu.

– Alors, tu viens ici chercher la femme de ta vie.

– Euh… non, finis-je par admettre. Un peu de bon temps suffirait.

Les yeux derrière les lunettes s’écarquillèrent, la commissure des lèvres se releva, je m’attendis presque à la voir se gratter la tête sous l’effet de la réflexion, ou se frotter le menton, comme dans les dessins animés. La surprise venait de changer de camp.

– Ne me dis pas que…

– Quoi ! lâchai-je dans un éclat sonore qui divertit la serveuse occupée à nettoyer des verres. Je te choque ?

Sandrine ne pouvait pas douter de ma bonne humeur, mais paraissait circonspecte sur ce que je venais d’avouer à mots couverts.

– Non, non ! se débattit-elle aussitôt, prise à son piège. C’est juste, euh… curieux de t’entendre l’avouer comme ça.

– Comment voudrais-tu que je le dise ?

D’autres regards se tournèrent dans notre direction, attirés par nos rires. Leur présence ne nous gêna pas, il était trop tard pour cela. Certaine de ne pas essuyer un refus, amusée d’abandonner la poignée d’indiscrètes à son sort, je pris une des mains de Sandrine dans les miennes. Son frisson se propagea à tout mon être.

– On va chez moi, j’habite à côté.

Elle ne se déroba pas, et se laissa entraîner. On partit presque en courant, comme deux gamines délurées pressées de faire quelques bêtises.

 

Ma chère Lola, si tu voyais mon nid maintenant, tu tomberais des nues. J’ai installé des posters, tous tirés à partir de scènes d’amour de films lesbiens. La petite mamie du rez-de-chaussée sera sans doute choquée. Mais ce n’est pas vulgaire, attention, j’ai choisi des représentations érotiques de mon attirance.

 

– Tu annonces la couleur, au moins, gloussa Sandrine dont la main restait dans la mienne, à la découverte de mon alcôve.

– Disons que je n’aime pas l’hypocrisie.

– Tu as vu ce film ? ajouta-t-elle après un sourire de connivence, le doigt sur l’image des deux femmes nues enlacées dans leur sommeil. « When night is falling. »

– Oui, Pascale Bussières est surprenante.

– Et celui-là ! s’exclama Sandrine devant la photo étalée sur la largeur complète de la tête du lit. Certaines disent que les scènes de sexe dans « La vie d’Adèle » ne sont pas réalistes.

Sur le poster, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux se broutaient mutuellement le minou. Soft mais évocateur.

– Je ne sais pas, balbutiai-je, rattrapée par ma niaiserie. Je n’ai pas vu le film, et j’imagine que toutes les filles ne font pas l’amour de la même manière.

– Tu as raison. C’est chaud, s’emporta mon invitée, d’une grande beauté érotique. J’ai le DVD, on se fera un visionnage chez moi si tu veux.

– Merci, dis-je en lâchant sa main. Tu veux boire quelque chose ? Je n’ai pas de bière.

– Comme toi, ça ira.

Je tapotai rapidement sur la télécommande de la stéréo. Une voix sensuelle s’éleva sur un air de Chill out. Deux petites bouteilles de vodka soda, des verres pour la forme, et je m’adossai au bar, le regard perdu à la contemplation de Sandrine à deux mètres de moi, au milieu de la chambre.

 

Son ondulation au rythme de la musique provoqua l’entrebâillement du chemisier échancré sur une gorge blanche, la silhouette apparut à la lumière sous le tissu. Je devinai les seins pas très gros mais larges, d’une exquise rondeur. Les épaules dans l’alignement des hanches prononcées sous la taille fine, le bassin généreux, elle s’approcha posément, portée par des cuisses pleines gainées dans un pantalon de toile grise taille basse. Sa main joua avec les pans de la chemise, les écarta afin de livrer à mon regard subjugué la vision d’un nombril profond.

Sandrine se coula contre moi, mordilla ma lèvre inférieure. Avant que je prenne sa bouche, elle avait saisi une bouteille sur le comptoir, virevolté en souplesse, et s’était posée à côté de moi, son bras contre le mien.

On trinqua sans un mot, les yeux dans les yeux. Une gorgée de vodka, je l’enlaçai pour un slow. On se déhancha dans un langoureux corps à corps, ses formes incrustées aux miennes, ma joue sur son front, attitude d’abandon mutuel. Le sucré de son parfum léger disparut derrière la fraîcheur naturelle de sa peau.

Un regard échangé, l’acceptation du désir, la tendresse partagée d’un sourire, je pris ses lèvres avec douceur. Notre baiser s’éternisa le temps de la danse, sans autre geste que mes mains sur ses hanches et ses bras autour de mon cou. Les corps enlacés, les langues lovées l’une contre l’autre, on laissa monter la fièvre sans provocation inutile.

 

Repue de ma salive, Sandrine me poussa contre le bar dans ma position initiale. Elle m’offrit sa bouche après l’avoir remplie d’une gorgée de vodka soda. Nos langues se mêlèrent dans le liquide pétillant, dont une partie échappa à ses lèvres pour se répandre dans son cou. Je léchai le résultat jusqu’à l’entendre soupirer.

On s’aventura dans une lente découverte de nos nudités par un déshabillage mutuel, sans plus attendre, sans rien précipiter, détachant nos vêtements un à un. L’exercice s’éternisa, entrecoupé de regards captivés, de caresses suggérées, de halètements compulsifs au son envoûtant de la Chill. Les habits mélangés jonchèrent enfin le parquet entre la porte et le bar.

Les bras tendus, ses mains dans les miennes, je me laissai aller à l’observation du cou fin dans lequel battait la grosse veine. Les seins étaient comme je les avais imaginés, pas très gros, ronds et larges aux belles aréoles brunes, aux tétons encore sages. Je fus une nouvelle fois surprise par la profondeur du nombril au milieu du ventre plat magnifiquement dessiné. La taille mince s’évasait sur des hanches pleines. Le pubis épilé, mon regard se focalisa sur la naissance de la fente fermée de son fruit d’amour. Les cuisses musclées sur deux jambes galbées à souhait parachevaient ce nu artistique de femme accomplie.

Sandrine me détailla de la même manière. L’éloquence de son regard me fit me sentir belle et désirable. Je découvrais le pouvoir de l’érotisme suggéré, de la sensualité d’un corps exposé à la vue de l’autre, offert dans ce qu’il avait de plus impudique.

 

Je remplis sa bouche d’une gorgée de vodka. Nos langues se retrouvèrent dans le liquide qui s’évada de nouveau entre ses lèvres charnues. Je léchai le résultat sur son menton, dans son cou, entre ses seins que j’empoignai au passage, jusqu’au nombril que je pénétrai de la langue. Tendue, ma belle poussa son ventre en avant. Mais je ne répondis pas à sa supplique.

Puis ma bouche suivit le chemin inverse. Je remontai lentement de long de ce corps vibrant que je désirais ardemment. Je pris ses lèvres dans un nouveau baiser passionné. Sandrine empoigna mes fesses pour mieux nous souder l’une à l’autre.

 

Un second slow nous rapprocha du lit. Ma cuisse gauche se faufila entre ses jambes, se frotta à ce sexe que j’allais enfin toucher, embrasser, aimer. Sa langue dans ma bouche, Sandrine laissa ses pétales s’ouvrir et déposer un peu de mouille sur ma peau, pour mon plus grand plaisir.

Par Orchidée - Publié dans : Roman érotique - Communauté : Volupté féminine
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Samedi 1 août 6 01 /08 /Août 14:35

joy argentoTrès chère Lola,

Pas vraiment inquiète, je m’interrogeais tout de même sur la réaction de Viviane au lendemain de cette aventure hors du temps. Sans doute avais-je gâché toute chance de la mettre dans mon lit, je regrettais un peu ma précipitation. Mais la vie se fait aussi de ce genre d’expériences. Pour rien au monde je ne souhaitais un retour à la case départ. J’avais été honnête avec Sarah, et elle l’avait été envers moi. Notre séparation était de son fait, non du mien… Je me maudis de penser encore à elle, d’espérer son retour.

Peut-être que je souhaite découvrir mon moi profond par l’apprentissage d’un langage corporel particulier. La question se pose. Ou alors je suis amoureuse, et le désir est la répercussion de cet étrange sentiment. Les deux situations me paraissent catastrophiques. Je suis en passe de devenir une obsédée sexuelle, ou alors je m’entiche de la première femme qui croise mon chemin.

C’est difficile de grandir, Lola. Néanmoins, je n’ai plus le choix. La vie parisienne n’est pas faite pour une gamine isolée comme moi, dont l’unique attache familiale est un téléphone portable qui sonne à Londres.

 

Viviane me reçut au studio de photographie avec la même gentillesse affectée que la veille, celle d’une jeune femme concentrée sur son travail. La séance de maquillage corporel se déroula au mieux, sans nécessiter de recours à une lingette intime. Il me fallait moi aussi réagir en professionnelle, mais surtout en adulte responsable, et ne pas laisser mes émotions imprimer de traces visibles sur mon corps.

Le photographe exigea de nous le meilleur. Il l’obtint, ce qui permit de terminer la journée de travail tôt dans l’après-midi. La présence de Viviane inutile pour le rhabillage, je m’attendais à la voir filer, pressée de profiter de sa liberté. Elle traîna au contraire à ramasser les tampons de coton imprégnés de poudre, à ranger ses affaires. Nous quittâmes le studio de photographie ensemble. Á peine dans l’escalier, sa voix résonna à mon oreille.

– Tu as quelque chose de prévu, maintenant ?

– Non, juste quelques courses, répondis-je l’air de rien, heureuse de me laisser entraîner.

 

Trois semaines à Paris, et je n’avais pas encore visité Montmartre. Le Sacré Cœur, bâti sur une butte, se repérait de loin. La Place du Tertre au pied de la basilique respirait au rythme des appels joyeux des peintres au milieu d’une foule bigarrée de touristes en mal de souvenirs.

La vie bouillonnait au milieu des présentoirs malmenés par des mains avides, sur les chaises défoncées des caricaturistes. Les terrasses de restaurants bondées, pressées par les vendeurs à la sauvette, résonnaient de langues et d’accents aux saveurs inhabituelles.

Accrochée à mon bras, Viviane s’incrusta sur une terrasse au centre d’une douzaine de joyeux lurons en foire, jeunes hommes et jeunes femmes issus de milieux différents, réunis dans ce paradis des cinq sens par une volonté commune de profiter de l’existence.

Ma tendre Lola, comme j’aimerais te faire découvrir l’enchantement de ce lieu hors du temps, hors des normes conventionnelles de notre société, là où les différences deviennent des sujets de contemplation, non un motif de discorde. Aucun besoin ici de se connaître pour se sourire, de parler le même dialecte pour s’entendre. On s’attendrait presque, par un bel après-midi d’été, à voir les anges délaisser la basilique le temps de se rafraîchir à une table, et répondre à leur dieu de patron sur un téléphone portable que le travail peut attendre.

Le comportement de Viviane se voulait celui d’une amie d’enfance, de celle qu’on se refuse à abandonner par peur d’avoir à grandir.

 

Une nana de notre groupe se leva, puis disparut dans la salle. La plupart des regards suivirent la brune pétillante, les sourires à la table devinrent des remerciements d’enfants au matin de Noël, les discussions se transformèrent en murmures. Que se passait-il donc pour assagir ainsi la bande de délurés dont les frasques m’amusaient depuis un bon moment.

Un flot de musique se déversa dans la salle puis dans la rue par delà la terrasse, précédant de peu une voix chevrotante, pleine d’émotions contenues. La brune réapparut dans notre champ de vision, un micro accolé à ses lèvres, le regard lumineux de ceux qui ont trouvé leur chemin et ne s’en écarteront sous aucun prétexte, sous aucune menace.

Heureuse de mon air surpris, Viviane colla son bras au mien dans un geste difficile à définir. Le contact physique entre filles ne signifie pas obligatoirement une attirance sexuelle, mais aussi la franche camaraderie, ou l’amitié platonique.

Incapable de me retenir, je me tournais régulièrement afin de saisir ses pensées. Son air mutin se teintait parfois d’une certaine gravité, jamais longtemps, comme si des pensées contradictoires se disputaient. Alors, sous le poids de mon regard, elle me rendait un sourire énigmatique, parfois accompagné d’une œillade.

La brune pétillante au micro, répondant au prénom de Véro, nous régala d’airs français connus aux quatre coins de la planète : « Une île » de Serge Lama, « Mon mec à moi » de Patricia Kass, « Domino » de Patachou, et bien d’autres, un récital d’une heure au cours de laquelle elle se promena de table en table, comme une vedette de cabaret incapable de se satisfaire de l’estrade. Elle vivait son art au milieu du public.

Véro s’approcha enfin de nous, s’installa sur une chaise derrière celle de Viviane et la mienne, et nous gratifia d’un sourire complice qui ne s’adressait qu’à nous. Sa voix s’accorda sans mal sur la musique du groupe « Mecano » :

« Deux femmes qui se tiennent la main

Ça na rien qui peut gêner la morale

Là où le doute s’installe

C’est que ce geste se fasse sous la table

Quand elles sont seules

Comme elles n’ont rien à perdre

Après les mains, la peau de tout le reste

Un amour qui est secret

Même nues elles ne pourraient le cacher

Alors sous les yeux des autres

Dans la rue elles le déguisent en amitié

Qui arrêtent les colombes en plein vol

Á deux au ras du sol

Une femme avec une femme… »

 

Le temps d’une chanson au titre évocateur, les attentions à notre table et aux autres se firent complices, les sourires engageants, les regards complaisants. On n’était pas dans le Marais, mais le ciel de Montmartre était aussi bleu. Viviane se pencha vers moi afin d’effleurer mes lèvres des siennes. Ce baiser léger, suggéré, fleurit dans ma poitrine comme une promesse d’avenir. Des « Ah ! » comblés se mêlèrent aux « Enfin ! ».

Véro finit son tour de chant, regagna sa place à notre table sous les applaudissements, et notre groupe redevint celui des joyeux lurons en foire.

 

La magie nous entraîna jusqu’à 22 heures. Entre les sujets variés de discussions, la dégustation d’un plateau de fruits de mer, quelques chansons de l’artiste à notre table, qui n’avait pas besoin de micro, la pendule égrena son chapelet d’instants délicieux entrecoupés de marques d’affection. Je laissais faire Viviane, cette soirée était la sienne. Sans abuser de la fibre sentimentale, la belle me gratifia de temps à autre d’un petit bécot, d’une main appuyée sur la mienne, d’un frôlement de ses jambes sous la table, autant de gestes anodins en d’autres circonstances, mais qui prenaient ce soir-là une dimension particulière.

– Coucher avec une nana, ce n’est pas vraiment tromper mon mec, hein ? me demanda-t-elle sur le trottoir en guettant un taxi.

– Honnêtement, je n’en sais rien, lui répondis-je sans avoir réfléchi à la portée de mes mots.

Viviane s’accrocha à moi de toutes ses forces, sa joue sur le haut de mon bras. Elle tritura une mèche de mes cheveux et glissa à mon oreille :

– Pas grave, je m’en fous.

Sa voix grelottait d’émotion.

 

Consciente d’une certaine nervosité, j’installai Viviane au comptoir servant de table, unique séparation entre la cuisine équipée et la chambre de mon studio. Si, à ce moment de l’histoire, elle avait fait marche arrière, je ne lui en aurais pas voulu. Bien sûr cette nana me plaisait, ma libido se satisfaisait de sa présence. Je n’avais pas seulement envie de faire l’amour, j’avais surtout envie d’elle. Le fait qu’elle soit hétéro ne rendait pas la chose plus facile, au contraire. L’aventure de la veille aussi me contrariait, comme un obstacle sur un parcours déjà difficile, comme si ce stupide jeu m’avait ôté le droit d’en exiger davantage.

– Tu veux boire quelque chose ?

La fin du magnifique film dano-suédois : « Fucking Amal » se rappela à ma mémoire, quand les filles quittent le bahut en clamant haut et fort : « Ma copine et moi, on va baiser. » avant de se retrouver dans la chambre à partager un chocolat. Oui, c’était peut-être ce que nous aurions de mieux à faire, boire un verre et rire de cette histoire, ne pas prendre le risque qu’elle nous entraîne trop loin.

Viviane en décida autrement. Elle se coula dans mes bras, enserra ma taille, puis leva vers moi un regard suppliant.

 

Ma bouche se fit douce, presque timide sur la sienne. La pointe de ma langue dénicha le sel de ses lèvres par à-coup. Elle les entrouvrit, comme un appel au secours, une invitation à l’audace. Notre premier baiser s’éternisa, de tendre à fiévreux, d’une sensualité délicieuse. Sans cesser de m’embrasser, Viviane me fit reculer, avec la lenteur d’un slow sans musique. Sa langue fouillait encore ma bouche quand nous tombâmes en travers du lit.

L’envie de déshabiller l’autre nous prit ensemble. On se roula sur l’édredon, avides de mettre nos peaux en contact, sans cesser de s’embrasser. L’exercice se transforma en tendre chahut, une série de gestes désordonnés, précipités par la curiosité. La tension se fit moins violente. Le dernier rempart de tissu envolé, la douceur revint, avec la volonté de pousser plus loin.

On fit connaissance lentement, d’attouchements en caresses, pour ne rien rater de cet instant si particulier. Les bras emmêlés, nos mains s’attardèrent sur un sein, un ventre, une joue, une fesse. Aucune ne voulait rester inactive à la découverte de l’autre. Nos bouches se séparèrent enfin pour nous permettre de nous regarder dans les yeux, puis pour mieux appréhender nos formes à la fois semblables et différentes.

Elle était belle avec son corps mince sculpté dans le marbre, tant la nervosité imprégnait tous ses muscles. Ses petits seins tendus m’invitèrent à l’audace. Je les cajolai, les massai, les baisai du bout des lèvres en prenant soin d’éviter l’aréole sensible. Ne rien précipiter. Ils réagirent pourtant, je finis par gober la pointe fière, par la titiller entre mes dents. Mon amante se pâma.

Puis Viviane entreprit les miens d’une caresse innée, les yeux ébahis, les mains avenantes, le souffle court sur ma peau.

– Tes seins sont beaux, susurra-t-elle avant de les embrasser.

Sa bouche glissa en haut, en bas, à droite, à gauche, entre mes deux globes maintenus dans ses mains fermes. Le geste devint appuyé, elle agaça les tétons de sa langue avant de les suçoter avec un plaisir non feint.

On se retrouva à genoux l’une en face de l’autre, désireuses de passer à la suite. Sans cesser de toucher nos seins, nos bouches s’unirent dans un nouveau baiser, je dénichai sa fente d’une main, et elle investit la mienne. On se caressa mutuellement, du bout des doigts, sans aller trop loin, par mimétisme, laissant le désir monter d’un cran, puis d’un autre.

N’y tenant plus, je la renversai sur le lit. Viviane lâcha un petit hoquet de surprise. Je la voulais maintenant, sur ce lit, je souhaitais lui faire ce que mon esprit méditait, cet appel des sens si particulier entre femmes, goûter enfin l’inaccessible.

Sans prendre le temps de caresser ses seins de nouveau, de toucher son ventre, de jouer avec son pubis, de l’amener à partager mon impétuosité, je glissai la tête entre ses jambes. Une dernière hésitation sans doute, je mordillai l’intérieur d’une cuisse. Puis je ne vis rien d’autre que ce sexe fermé comme un abricot, un coffre au trésor qu’il me fallait ouvrir.

J’introduisis ma langue dans les pétales d’amour, la résistance du fruit me surprit. Je léchai la fente de bas en haut plusieurs fois, puis tentai une nouvelle approche. Les chairs se détendirent, la doucereuse odeur de cyprine m’enivra. Viviane se rassura, et par là même occasion me donna la clé de son intimité. Ma langue entra cette fois, inquisitrice, avide. Je fouillai sa vulve comme j’avais fouillé sa bouche d’un baiser passionné, goûtant sa mouille comme j’avais goûté sa salive.

Mon amante soupira d’aise, elle glissa une main sous mon ventre, tenta d’atteindre mon minou trop loin. Sa main emprisonna un de mes seins dont elle tritura la pointe.

– Hum… tu lèches bien.

Encouragée, j’écartai les grandes lèvres avec mes doigts. Le vestibule m’apparut dans toute sa splendeur, nacré et humide, suintant de désir. Je l’investis de la langue.

Viviane me laissa jouer de ses nymphes, me repaître de sa liqueur, puis me demanda de la prendre avec mes doigts. J’en glissai un dans son antre, happé par ses chairs affamées. Elle oublia mon sein aussitôt pour porter ses mains à son sexe qu’elle ouvrit, débusquant son clitoris.

– Oh oui… plus fort…

Je la masturbai ainsi, le regard ébahi sur son trésor béant, sur ce bouton qu’elle malmenait avec une insolente indélicatesse. Je l’observai et guettai l’instant crucial.

Viviane fut longue à venir, comme si elle retardait le moment fatidique inconsciemment, comme si la peur d’être abandonnée la retenait. Ella lâcha prise pourtant, acceptant de livrer son sort superbe à ma vue. La regarder jouir me rendit heureuse.

 

Étendue sur le lit, mon amante dans mes bras, je n’attendais rien, aucune réciprocité, ni baisers ni caresses, juste qu’elle reste ainsi collée à moi. La portée symbolique de mon acte était la seule récompense qui vaille : je l’avais goûté et j’avais adoré ça.

 

Tu comprends, chère Lola, être attirée depuis toujours par les filles n’était pas suffisant. J’avais besoin de ce contact, comme un rituel de passage, pour concevoir ma nouvelle existence sous un jour acceptable. Je pourrai maintenant me présenter dans les bars du Marais avec cette certitude : je suis prête.

J’appartiens désormais à une communauté. Et même si l’idée de sectarisme me rebute comme je te l’ai expliqué il y a quelques jours, ça pourra me servir le cas échéant. Non, la vie d’une nana seule à Paris n’est pas simple. Alors, en cas de danger, je pourrai toujours me réfugier chez mes copines lesbiennes.

Je ne suis pas certaine que Viviane se soit retenue. Sans doute a-t-elle été longue à jouir à cause de mon inexpérience. Et sans ses propres caresses manuelles, elle ne serait pas venue. L’orgasme n’est pas à chaque fois au rendez-vous pour les filles, il nous faut une combinaison de plusieurs facteurs psychologiques, parfois un fantasme ou une caresse bien précise. Mais ne pas atteindre l’orgasme ne signifie pas qu’on n’a pas de plaisir.

C’est plus difficile dans les bras d’un homme, comme tu me l’as expliqué. Il s’attend toujours à nous faire grimper aux rideaux comme si sa virilité en dépendait. N’en déplaise à certains, cet esprit de compétition est dérangeant, il provoque même un blocage chez certaines femmes.

Quoiqu’il en soit, ma petite Lola, je possède un sacré avantage sur toi : je connais mon corps. Donc je connais celui de mes amantes. Et puis, on n’est pas pressées par le temps entre nanas, se caresser et s’embrasser n’est pas pour nous un petit préliminaire qui doit obligatoirement aboutir à autre chose.

Un dernier avantage, non des moindres, deux lesbiennes vont rarement chercher la délivrance en même temps. Le fait de s’occuper de l’autre sans la contrainte liée à son propre plaisir permet de mieux l’amener à l’extase. Il nous suffit d’inverser les rôles ensuite.

Tout ça pour te dire, chère amie, que jamais je ne serai à un homme comme je peux être à une femme. J’aime les seins et les minous, la douceur des courbes et les traits féminins d’un visage. Il ne pourra jamais en être autrement. Et là, je ne te parle que des raisons physiques, mon attirance ne se limite pas à cela bien sûr.

Pour en revenir à cette nuit avec Viviane, elle a voulu me donner aussi du plaisir. Pas besoin d’avoir fait des études pour savoir que ça ne pouvait marcher ainsi. La pauvre tenta de m’imiter, de me caresser, de me masturber, je ne la sentais pas à son aise et on arrêta avant que ça devienne trop glauque.

On discuta longuement ensuite, pour permettre à notre amitié de se développer. Nous désirons l’une comme l’autre nous revoir, passer du temps ensemble, mais pas comme amantes. Viviane est intelligente, drôle, honnête je crois. En sa compagnie je vis l’adolescence que je souhaitais, et dont on m’a privée à cause de principes imbéciles. Elle m’a invitée à déjeuner samedi midi, pour me présenter son copain. Je n’ai rien contre le principe, mais j’ai refusé. On doit d’abord passer au stade de véritables copines, nous libérer du contexte dans lequel nous avons bâti le début de notre relation. Ensuite, quand on sera capables de se parler sans rougir et sans penser à nos aventures sexuelles, on pourra envisager une autre étape.

Puis nous avons dormi côte à côte. Pas le choix, je n’ai qu’un lit. D’accord, au réveil elle était dans mes bras, mais on n’a pas essayé de recommencer.

 

 

Ma Lola, j’attends de tes nouvelles avec une impatience grandissante. Je t’embrasse.

Par Orchidée - Publié dans : Roman érotique - Communauté : Volupté féminine
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Mercredi 29 juillet 3 29 /07 /Juil 10:23

joy argentoMa chère Lola,

Le moral est au plus bas, ma vie est redevenue vide. Le contrat à peine signé, Sarah s’envolait pour New York. Les seules nouvelles d’elle depuis deux semaines me sont données par l’agence. C’est ainsi que ça doit finir ? Bien sûr elle m’avait prévenue de ne pas m’attacher. Malgré tout, je voulais y croire. Un coach me donne maintenant les cours de maintien indispensables.

J’ai honoré un petit contrat. Quelques photos pour un magasin de fringues pour jeunes filles, et je déposais un joli chèque à la banque. Sarah ne m’a pas menti au moins, ce travail me garantit la tranquillité du point de vue financier. Puis une nouvelle proposition est arrivée, l’occasion d’une péripétie peu banale que je souhaite te détailler.

 

La journée s’annonçait chaude en cette fin juin. La valse des étudiants dépêtrés des examens emplissait les terrasses des bistrots d’un joyeux brouhaha. De nombreux Parisiens préparaient leur départ en vacances, les agences de production tournaient à plein régime au contraire, à préparer la prochaine rentrée. Les imprimeurs guettaient les photos afin de mettre les catalogues sous presse. J’entrai dans un immeuble ancien de la rue Lamartine, contente d’avoir de l’occupation pour les deux prochains jours.

– La porte à droite au 1er étage, balança mollement la concierge sans même un coup d’œil dans ma direction.

Le large escalier ressemblait à celui des anciens palaces privés qu’on voit dans les vieux films, le bois craquant sous le poids des femmes en robe de bal et des hommes en jacquette.

 

– Bonjour. Anaïs, je suppose ? me lança une jeunette à peine plus âgée que moi, dont le sourire contrastait avec le masque de la quarantenaire à la conciergerie. Je m’appelle Viviane. Venez avec moi, s’il vous plait.

La peinture fraîche du lieu transformé en studio de photographie tranchait avec le caractère vieillot de l’immeuble. Je la suivis, le regard collé à ses fesses rondes moulées dans un pantalon de toile beige, jusqu’à la salle de maquillage.

Cette partie de l’anatomie attire mon regard comme un aimant. Même gamine, je me souviens, il m’arrivait de caresser mes poupées à cet endroit précis.

La pièce en ébullition, trois nanas installées devant les coiffeuses à miroir éclairant racontaient des blagues potaches aux maquilleuses, chacune la sienne. Voici pourquoi on m’avait accueillie par mon prénom. Après un sourire général en guise de bienvenue, auquel je répondis par un salut, toutes retournèrent à leurs occupations.

Je me déshabillai entièrement comme mes collègues mannequins. Viviane, les mains tendues vers moi prêtes à m’envelopper dans un peignoir de coton, regardait sur le côté. Aucune pudeur à cela, elle vérifiait sur la tablette la présence du nécessaire. Mon esprit faisait sans peine la part des choses entre la nudité pour raison professionnelle et le nu érotique. J’étais embauchée pour servir de model par un commerçant de lingerie spécialiste de l’adolescence, une de ces marques dont les prix font bondir les mamans non fortunées.

Assise à la coiffeuse, le peignoir sur mes épaules béant sur mes formes exposées à la lumière crue, je ressentis le regard de Viviane de manière quasi-physique. Elle me demanda de me relever, écarta un pan du vêtement, se positionna à côté de moi à me toucher et se pencha. Quel défaut son œil exercé avait-il pu relever pour faire ainsi la moue.

– Un problème ? balançai-je, inquiète.

– Trois fois rien, ne bougez pas, me rassura-t-elle d’un sourire complice.

Viviane s’agenouilla face à moi, un peigne dans une main et une paire de ciseaux dans l’autre. Sa position, le nez presque dans la toison de mon minou, n’avait plus rien de professionnel. Elle commença à désépaissir ma touffe comme l’employée d’un salon de coiffure l’aurait fait avec mes cheveux. Son souffle sur la partie très intime de mon corps me rappela un souvenir pas si vieux, la réaction chimique ne se fit pas attendre.

– Je vous donnerai des lingettes, ne vous inquiétez pas, prévint ma maquilleuse d’un ton qui se voulait neutre, mais ne l’était pas vraiment.

Ainsi, elle savait que je mouillais ; la gêne prit définitivement le dessus. Viviane continua son œuvre, puis passa les doigts dans mon pubis désormais aux poils courts.

– C’est parfait, me dit-elle tandis que je l’aidais à se relever. Une toison trop épaisse déforme les slips, ça se voit à la photo.

Sans un mot, elle me donna une petite boite de lingettes intimes, et me montra les toilettes d’un mouvement du menton. Je m’enfuis littéralement dans la direction indiquée.

– Je vous attends, signifia une voix redevenue normale dans mon dos.

Dès mon retour, Viviane me prépara enfin au shooting photo en appliquant une poudre à l’effet matifiant (pour les parties du corps qui ne se maquillent pas) sur ma poitrine, mes cuisses et mon ventre à l’aide d’un pinceau de soie. Elle allait régulièrement répéter l’opération entre les prises au moment du changement de sous-vêtements.

 

Après deux séances entrecoupées d’une pause déjeuner, nous étions assez complices pour que l’envie me prenne de lui offrir un verre. Cette nana avait du chien avec son air de fausse ingénue, le nez mutin sur la petite bouche aux lèvres fines, une certaine ressemblance avec Emma Watson. Les cheveux châtains, tirés en arrière dans une queue-de-cheval haute, dégageaient les oreilles.

– J’ai eu la honte de ma vie ce matin, arguai-je afin d’amorcer la discussion.

– Je n’avais rien remarqué, mentit Viviane avec aplomb, c’est ton air surpris qui m’a avertie d’un problème.

– Tu dois en voir de drôles, même si tu ne travailles pas depuis longtemps.

Une petite ride d’expression plissa son front lisse, les lèvres s’étirèrent à peine dans un sourire amusé. La mimique la rendait craquante.

– J’ai eu mon CAP d’esthéticienne à 17 ans, ça fait trois ans que je bosse dans cette boîte.

Hop ! L’air de rien, j’avais mon renseignement. Draguer cette nana s’était imposé à mon esprit comme un défi. Mon histoire avec Sarah était une blessure pas très visible, mais douloureuse.

– Jamais je ne t’aurais donné 20 ans, je pensais que tu en avais 18, comme moi.

– Eh non ! s’amusa Viviane. Par contre, je pensais l’inverse de toi. Souvent des models font plus jeunes que leur âge véritable. Tu n’es pas vexée, j’espère.

Il en aurait fallu davantage. Une petite brise maintenait une température agréable sur la terrasse ombragée, je buvais un jus de fruit en compagnie d’une jolie fille, le moment ne se prêtait pas à la susceptibilité. Beaucoup auraient échangé leur place avec la mienne.

– Tu coiffes souvent des minous ?

Entendre son rire me rassura, car la question m’avait échappé.

– Bien sûr, comme toutes les esthéticiennes. Tu te fais épiler le sexe par une pro, non ? Mais je ne me retrouve pas souvent dans cette position. J’espère que ton copain ne sera pas déçu, tiqua la belle en baissant d’un ton.

– Je ne pense pas, non. Je suis libre en ce moment, continuai-je pour ne pas avoir à mentir.

– Le mien est en déplacement, il ne rentrera qu’à la fin de la semaine.

Occasion à saisir, je me fis fort de mettre Viviane dans mon lit avant le retour de son mec.

 

Faire boire une personne dans l’intention de la manipuler m’a toujours choquée. Cependant, mon accompagnatrice n’avait guère besoin d’encouragement. Et l’alcool lui déliait la langue.

– C’est la première fois que je passe la soirée avec un mannequin. Il y en a même qui refusent de déjeuner avec nous à la pause. On trouve beaucoup de frime dans ce métier.

– Oh ! fis-je d’un air blasé, ça leur passera. Je fais ce boulot pour gagner un peu d’argent, mais j’attends de reprendre mes études de littérature à la Sorbonne.

– Toi pourtant, tu devrais réussir sans mal, corrigea Viviane avec un haussement des sourcils. J’ai rarement vu une fille aussi bien foutue de visage et de corps, certains top models n’ont pas ta prestance naturelle. Ton agence a tiré le gros lot avec toi. Tu as déjà fait combien de missions ?

Je me pris au jeu, émue de me sentir belle dans ses yeux.

– C’est la deuxième. J’ai signé un contrat il y a deux semaines.

Ce n’était pas le genre de discussion dont je rêvais, mais le principal était de l’intéresser. Alors autant lui laisser le choix.

– Certaines attendent des mois avant d’être appelées, et toi tu portes déjà du Andres Sarda ! Je ne sais pas si tu imagines…

Non, je ne savais pas en effet, sauf que cette nana rendue volubile par quelques verres de bière me plaisait.

– Vous êtes mannequin ! Avec mon pote on s’en doutait.

Avant même de dévisager les inconnus installés à la table jouxtant la nôtre, j’en voulus un peu à Viviane d’avoir parlé si fort. L’habitude de fréquenter depuis deux semaines des cafés réservés aux femmes m’avait incitée à baisser la garde. Les deux lascars d’une bonne trentaine d’années portaient le costume à la façon des bureaucrates imbus de leur poste à responsabilité. La brillance dans le regard de mon accompagnatrice ajoutait à son charme naturel, mais à l’inverse, la lubricité dans les yeux de ces hommes les rendait moches. L’un d’eux entreprit d’avancer sa chaise à notre table sans demander la permission.

 – On est attendues, balança Viviane en levant la main pour accrocher l’attention du serveur.

– Laissez-nous vous offrir un verre, les beautés, ricana celui qui s’était approché en posant sa main sur mon épaule, vous avez bien le temps.

Le serveur comprit la situation au premier coup d’œil. Cependant, confrontée à mon affolement, Viviane réagit la première.

– Tiens ! Paie celui-là, lui cracha-t-elle en posant bruyamment la soucoupe avec notre note sur leur table, avant de prendre ma main et de m’entraîner vers la tête de taxi toute proche.

Á peine dans la voiture, la tension retomba. J’indiquai l’adresse du bar d’Hélène au chauffeur quand elle se colla à mon oreille.

– J’ai envie, mais pas au point de me taper ces machos.

Son rire ramena le calme dans ma poitrine oppressée.

 

Entrée sans se poser de questions, Viviane sembla enfin remarquer après deux autres verres le drapeau arc-en-ciel, emblème gay. Son comportement demeura celui d’une personne désireuse de s’amuser, rien n’indiqua une gêne quelconque.

– Ce n’est pas ici que des mecs viendront nous déranger, rit-elle, même pas ceux qui auraient pu être intéressants.

Une question me tenaillait depuis un moment, elle ramenait toutes les discussions à son état d’excitation, à son désir de faire une rencontre. Rassurée de la voir prendre la chose avec humour, je tentai d’en savoir davantage.

– Tu trompes ton mec souvent ?

– Jamais, reconnut-elle sans se départir de sa bonne humeur. Mais ce week-end j’avais mes règles, et elles sont douloureuses, donc on n’a rien fait. Maintenant j’en ai envie, seulement il ne rentrera que vendredi. Ceux que je rencontre c’est pour discuter, pour s’amuser. Je me ferai du bien toute seule.

Ce n’était sans doute pas une invite. Néanmoins, je décidai moi aussi d’abandonner le jus de fruit pour une boisson plus corsée. L’accompagner un peu pouvait décanter la situation. Viviane m’en remercia d’une œillade.

Je l’écoutai parler un long moment, posant une rare question de temps à autre, ou répondant à ses interrogations. Elle finit par commander un café, à cause du travail à assurer le lendemain. Sa contenance resta celle d’une jeune femme euphorique, mais pas ivre. Plusieurs fois elle évoqua la particularité du lieu dans lequel nous nous trouvions, sans jamais se moquer ni médire.

– Je n’ai rien contre, reconnut-elle à mon oreille, c’est juste que j’aime les mecs, quoi. Et toi, pourquoi tu ne les aimes pas ?

Je lui racontai ce souvenir au collège : la main baladeuse sur mes fesses, la gifle donnée, une convocation chez le directeur avec le prof principal. L’interrogatoire se résuma en une question : « Quel était ce problème avec les garçons ? » J’avais fait preuve de naïveté en imaginant un peu de compassion. Et ces deux spécimens de bipèdes représentaient la caste des mâles. Bienvenue dans l’univers controversé des adultes.

J’expliquai ma peur face au mépris, à la féodalité exigée par les jeunes coqs de l’endroit envers les filles, à la bestialité ressentie, aux regards insidieux, aux mains baladeuses et aux insultes face à mon refus de me laisser manipuler. C’était trop demander que d’exiger de moi autre chose que de l’effroi et du mépris.

Les deux hommes s’enlisèrent dans des explications scientifiques sur la puberté, le besoin de s’affirmer, la normalité de ces comportements. Le monde des adolescents ne se résumait pas à l’apprentissage des maths et du français, les petits garçons devaient faire leurs dents pour affronter un avenir incertain. Parfait ! Et aux filles dans tout cela, on leur enseigne la servitude ? Á subir en silence ? Á remercier « Messieurs » de l’attention qu’ils daignent nous accorder en nous reléguant au rang de simples courtisanes ?

Il n’y avait rien de normal à être la risée de la classe en voulant rester propre, rien de normal à traiter une fille de salope quand elle se refusait, rien de normal à se faire peloter dans la cour ou à la piscine. Certaines acceptaient, grand bien leur fasse. Alors pourquoi ces machos s’attaquaient à celles qui résistaient ? Tout cela n’avait rien de normal pour moi.

La menace de porter l’affaire devant mes parents puis à la gendarmerie incita les adultes à faire preuve de magnanimité. Le prof principal s’adressa à la classe, la paix revint. Trop tard et surtout absence de sincérité de sa part : j’étais devenue sexiste.

 

Va savoir pourquoi, chère Lola, jamais Viviane ne me demanda si j’avais eu une expérience lesbienne. Je lui aurais dit la vérité bien sûr, mais cet aveu aurait changé son regard sur moi.

Donc, au bout d’un moment, je la regardai se dandiner sur sa chaise. Son mal être soudain me mit en alerte.

– Ça ne va pas ?

Elle pouffa avant de se pencher une nouvelle fois à mon oreille pour une confidence.

– J’ai envie de faire pipi, mais je n’ose pas y aller toute seule. Tu m’accompagnes.

Ce n’était même pas une question. Et puis, je ne pouvais pas la laisser ainsi.

 

Viviane me tendit son sac à main avant d’entrer dans une des cabines. Dans son insouciance, ou débordante de confiance envers moi, elle se soulagea sans songer à fermer la porte. Mon regard se porta sur son intimité. Incapable de me raisonner, je la regardais, et elle parlait comme si notre comportement était normal.

La coquine s’essuya deux fois avec du papier toilette après avoir soulagé sa vessie, mais ne parut pas satisfaite du résultat. Quelle situation invraisemblable !

– Tu peux me donner une lingette ?

Elle n’aurait pas dit : « tu peux me donner une cigarette ? » sur un autre ton. J’ouvris son sac, trouvai l’objet en question, et n’eus d’autre choix que de pénétrer dans la cabine pour lui donner. Viviane se redressa, les cuisses écartées, le minou ainsi superbement exposé à mon attention, un triangle de poils noirs si minuscule qu’il ne cachait rien de sa fente. La première lingette utilisée finit sa course dans la cuvette.

– Donne m’en une autre, sourit-elle complice, je mouille.

N’y tenant plus, je fermai doucement la porte derrière moi. Elle me regarda approcher, sans peur ni enthousiasme, dans l’expectative.

 

Ouvrant ses lèvres intimes d’un doigt, j’en glissai un autre dans la vulve chaude et humide. Les chairs s’animèrent sous la sollicitation. Viviane se pencha en avant par manque d’équilibre, le menton au niveau de ma poitrine du fait qu’elle était légèrement accroupie, et se cramponna à mes épaules. La caresse resta légère jusqu’à entendre un premier grognement.

Alors, sans m’interroger sur ce que j’étais en train de faire, je la pénétrai de deux doigts. Sous le choc de se sentir investie de la sorte, Viviane leva vers moi des yeux brillants, sa petite bouche forma un O de surprise. Son vagin aspira mes doigts.

Je la masturbai vite et fort, à la recherche d’une délivrance rapide. Ce n’était pas la crainte d’une apparition dans le local des toilettes, mais simplement une volonté animale de la prendre ainsi, sans rien demander en retour que de profiter de sa jouissance. J’entrepris de mon autre main des caresses dans la zone clitoridienne, le bouton quitta son capuchon. Ainsi branlée, mon amante s’offrit sans détour.

Le résultat ne se fit pas attendre. Viviane ne tenta pas de retarder l’inéluctable. J’ignorais s’il s’agissait d’un véritable orgasme, mais ses soudaines contractions sur mes doigts traduisirent son état de transe. Elle me tendit ses lèvres. On s’embrassa presque sauvagement, dents contre dents, langue contre langue, avec des bruits de déglutitions. Sa bouche abandonna la mienne dès la fin des soubresauts de ses chairs autour de mes doigts.

Viviane rajusta son slip et son pantalon sans prendre la peine de se nettoyer avec la lingette que je lui tendais, le regard de nouveau calme, comme si rien ne s’était passé. On se lava les mains côte à côte à l’unique lavabo, sans un mot ni même un regard par l’intermédiaire de la glace.

 

On retourna s’asseoir, personne n’avait remarqué notre absence, ou personne ne s’en souciait. Elle commanda un café, moi un jus de fruit. On reprit notre discussion faite de futilités, comme s’il n’y avait eu aucun intermède.

 

 

Viviane demanda au chauffeur du taxi de me déposer, puis m’embrassa sur la joue comme une simple copine avant de poursuivre son voyage.

Par Orchidée - Publié dans : Roman érotique - Communauté : Volupté féminine
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