Du plaisir au bonheur
Dissimuler sa nature profonde ne rime plus à rien.
Néanmoins, tabous et idées reçues prédominent encore dans le paysage audiovisuel.
La sexualité lesbienne est à la fois complète et complexe, en voici la preuve.
Les filles de Lesbos
Dissimuler sa nature profonde ne rime plus à rien.
Néanmoins, tabous et idées reçues prédominent encore dans le paysage audiovisuel.
La sexualité lesbienne est à la fois complète et complexe, en voici la preuve.
Vous l’avez compris, j’aime les scènes qui montrent le cunni dans toute sa beauté, avec des filles si possible naturelles, et une bande-son à l’avenant. Voici donc un petit film sympa pour attendre le retour des chaleurs.
Ma
chère Lola,
Le moral est au plus bas, ma vie est redevenue vide. Le contrat à peine signé, Sarah s’envolait pour New York. Les seules nouvelles d’elle depuis deux semaines me sont données par l’agence. C’est ainsi que ça doit finir ? Bien sûr elle m’avait prévenue de ne pas m’attacher. Malgré tout, je voulais y croire. Un coach me donne maintenant les cours de maintien indispensables.
J’ai honoré un petit contrat. Quelques photos pour un magasin de fringues pour jeunes filles, et je déposais un joli chèque à la banque. Sarah ne m’a pas menti au moins, ce travail me garantit la tranquillité du point de vue financier. Puis une nouvelle proposition est arrivée, l’occasion d’une péripétie peu banale que je souhaite te détailler.
La journée s’annonçait chaude en cette fin juin. La valse des étudiants dépêtrés des examens emplissait les terrasses des bistrots d’un joyeux brouhaha. De nombreux Parisiens préparaient leur départ en vacances, les agences de production tournaient à plein régime au contraire, à préparer la prochaine rentrée. Les imprimeurs guettaient les photos afin de mettre les catalogues sous presse. J’entrai dans un immeuble ancien de la rue Lamartine, contente d’avoir de l’occupation pour les deux prochains jours.
– La porte à droite au 1er étage, balança mollement la concierge sans même un coup d’œil dans ma direction.
Le large escalier ressemblait à celui des anciens palaces privés qu’on voit dans les vieux films, le bois craquant sous le poids des femmes en robe de bal et des hommes en jacquette.
– Bonjour. Anaïs, je suppose ? me lança une jeunette à peine plus âgée que moi, dont le sourire contrastait avec le masque de la quarantenaire à la conciergerie. Je m’appelle Viviane. Venez avec moi, s’il vous plait.
La peinture fraîche du lieu transformé en studio de photographie tranchait avec le caractère vieillot de l’immeuble. Je la suivis, le regard collé à ses fesses rondes moulées dans un pantalon de toile beige, jusqu’à la salle de maquillage.
Cette partie de l’anatomie attire mon regard comme un aimant. Même gamine, je me souviens, il m’arrivait de caresser mes poupées à cet endroit précis.
La pièce en ébullition, trois nanas installées devant les coiffeuses à miroir éclairant racontaient des blagues potaches aux maquilleuses, chacune la sienne. Voici pourquoi on m’avait accueillie par mon prénom. Après un sourire général en guise de bienvenue, auquel je répondis par un salut, toutes retournèrent à leurs occupations.
Je me déshabillai entièrement comme mes collègues mannequins. Viviane, les mains tendues vers moi prêtes à m’envelopper dans un peignoir de coton, regardait sur le côté. Aucune pudeur à cela, elle vérifiait sur la tablette la présence du nécessaire. Mon esprit faisait sans peine la part des choses entre la nudité pour raison professionnelle et le nu érotique. J’étais embauchée pour servir de model par un commerçant de lingerie spécialiste de l’adolescence, une de ces marques dont les prix font bondir les mamans non fortunées.
Assise à la coiffeuse, le peignoir sur mes épaules béant sur mes formes exposées à la lumière crue, je ressentis le regard de Viviane de manière quasi-physique. Elle me demanda de me relever, écarta un pan du vêtement, se positionna à côté de moi à me toucher et se pencha. Quel défaut son œil exercé avait-il pu relever pour faire ainsi la moue.
– Un problème ? balançai-je, inquiète.
– Trois fois rien, ne bougez pas, me rassura-t-elle d’un sourire complice.
Viviane s’agenouilla face à moi, un peigne dans une main et une paire de ciseaux dans l’autre. Sa position, le nez presque dans la toison de mon minou, n’avait plus rien de professionnel. Elle commença à désépaissir ma touffe comme l’employée d’un salon de coiffure l’aurait fait avec mes cheveux. Son souffle sur la partie très intime de mon corps me rappela un souvenir pas si vieux, la réaction chimique ne se fit pas attendre.
– Je vous donnerai des lingettes, ne vous inquiétez pas, prévint ma maquilleuse d’un ton qui se voulait neutre, mais ne l’était pas vraiment.
Ainsi, elle savait que je mouillais ; la gêne prit définitivement le dessus. Viviane continua son œuvre, puis passa les doigts dans mon pubis désormais aux poils courts.
– C’est parfait, me dit-elle tandis que je l’aidais à se relever. Une toison trop épaisse déforme les slips, ça se voit à la photo.
Sans un mot, elle me donna une petite boite de lingettes intimes, et me montra les toilettes d’un mouvement du menton. Je m’enfuis littéralement dans la direction indiquée.
– Je vous attends, signifia une voix redevenue normale dans mon dos.
Dès mon retour, Viviane me prépara enfin au shooting photo en appliquant une poudre à l’effet matifiant (pour les parties du corps qui ne se maquillent pas) sur ma poitrine, mes cuisses et mon ventre à l’aide d’un pinceau de soie. Elle allait régulièrement répéter l’opération entre les prises au moment du changement de sous-vêtements.
Après deux séances entrecoupées d’une pause déjeuner, nous étions assez complices pour que l’envie me prenne de lui offrir un verre. Cette nana avait du chien avec son air de fausse ingénue, le nez mutin sur la petite bouche aux lèvres fines, une certaine ressemblance avec Emma Watson. Les cheveux châtains, tirés en arrière dans une queue-de-cheval haute, dégageaient les oreilles.
– J’ai eu la honte de ma vie ce matin, arguai-je afin d’amorcer la discussion.
– Je n’avais rien remarqué, mentit Viviane avec aplomb, c’est ton air surpris qui m’a avertie d’un problème.
– Tu dois en voir de drôles, même si tu ne travailles pas depuis longtemps.
Une petite ride d’expression plissa son front lisse, les lèvres s’étirèrent à peine dans un sourire amusé. La mimique la rendait craquante.
– J’ai eu mon CAP d’esthéticienne à 17 ans, ça fait trois ans que je bosse dans cette boîte.
Hop ! L’air de rien, j’avais mon renseignement. Draguer cette nana s’était imposé à mon esprit comme un défi. Mon histoire avec Sarah était une blessure pas très visible, mais douloureuse.
– Jamais je ne t’aurais donné 20 ans, je pensais que tu en avais 18, comme moi.
– Eh non ! s’amusa Viviane. Par contre, je pensais l’inverse de toi. Souvent des models font plus jeunes que leur âge véritable. Tu n’es pas vexée, j’espère.
Il en aurait fallu davantage. Une petite brise maintenait une température agréable sur la terrasse ombragée, je buvais un jus de fruit en compagnie d’une jolie fille, le moment ne se prêtait pas à la susceptibilité. Beaucoup auraient échangé leur place avec la mienne.
– Tu coiffes souvent des minous ?
Entendre son rire me rassura, car la question m’avait échappé.
– Bien sûr, comme toutes les esthéticiennes. Tu te fais épiler le sexe par une pro, non ? Mais je ne me retrouve pas souvent dans cette position. J’espère que ton copain ne sera pas déçu, tiqua la belle en baissant d’un ton.
– Je ne pense pas, non. Je suis libre en ce moment, continuai-je pour ne pas avoir à mentir.
– Le mien est en déplacement, il ne rentrera qu’à la fin de la semaine.
Occasion à saisir, je me fis fort de mettre Viviane dans mon lit avant le retour de son mec.
Faire boire une personne dans l’intention de la manipuler m’a toujours choquée. Cependant, mon accompagnatrice n’avait guère besoin d’encouragement. Et l’alcool lui déliait la langue.
– C’est la première fois que je passe la soirée avec un mannequin. Il y en a même qui refusent de déjeuner avec nous à la pause. On trouve beaucoup de frime dans ce métier.
– Oh ! fis-je d’un air blasé, ça leur passera. Je fais ce boulot pour gagner un peu d’argent, mais j’attends de reprendre mes études de littérature à la Sorbonne.
– Toi pourtant, tu devrais réussir sans mal, corrigea Viviane avec un haussement des sourcils. J’ai rarement vu une fille aussi bien foutue de visage et de corps, certains top models n’ont pas ta prestance naturelle. Ton agence a tiré le gros lot avec toi. Tu as déjà fait combien de missions ?
Je me pris au jeu, émue de me sentir belle dans ses yeux.
– C’est la deuxième. J’ai signé un contrat il y a deux semaines.
Ce n’était pas le genre de discussion dont je rêvais, mais le principal était de l’intéresser. Alors autant lui laisser le choix.
– Certaines attendent des mois avant d’être appelées, et toi tu portes déjà du Andres Sarda ! Je ne sais pas si tu imagines…
Non, je ne savais pas en effet, sauf que cette nana rendue volubile par quelques verres de bière me plaisait.
– Vous êtes mannequin ! Avec mon pote on s’en doutait.
Avant même de dévisager les inconnus installés à la table jouxtant la nôtre, j’en voulus un peu à Viviane d’avoir parlé si fort. L’habitude de fréquenter depuis deux semaines des cafés réservés aux femmes m’avait incitée à baisser la garde. Les deux lascars d’une bonne trentaine d’années portaient le costume à la façon des bureaucrates imbus de leur poste à responsabilité. La brillance dans le regard de mon accompagnatrice ajoutait à son charme naturel, mais à l’inverse, la lubricité dans les yeux de ces hommes les rendait moches. L’un d’eux entreprit d’avancer sa chaise à notre table sans demander la permission.
– On est attendues, balança Viviane en levant la main pour accrocher l’attention du serveur.
– Laissez-nous vous offrir un verre, les beautés, ricana celui qui s’était approché en posant sa main sur mon épaule, vous avez bien le temps.
Le serveur comprit la situation au premier coup d’œil. Cependant, confrontée à mon affolement, Viviane réagit la première.
– Tiens ! Paie celui-là, lui cracha-t-elle en posant bruyamment la soucoupe avec notre note sur leur table, avant de prendre ma main et de m’entraîner vers la tête de taxi toute proche.
Á peine dans la voiture, la tension retomba. J’indiquai l’adresse du bar d’Hélène au chauffeur quand elle se colla à mon oreille.
– J’ai envie, mais pas au point de me taper ces machos.
Son rire ramena le calme dans ma poitrine oppressée.
Entrée sans se poser de questions, Viviane sembla enfin remarquer après deux autres verres le drapeau arc-en-ciel, emblème gay. Son comportement demeura celui d’une personne désireuse de s’amuser, rien n’indiqua une gêne quelconque.
– Ce n’est pas ici que des mecs viendront nous déranger, rit-elle, même pas ceux qui auraient pu être intéressants.
Une question me tenaillait depuis un moment, elle ramenait toutes les discussions à son état d’excitation, à son désir de faire une rencontre. Rassurée de la voir prendre la chose avec humour, je tentai d’en savoir davantage.
– Tu trompes ton mec souvent ?
– Jamais, reconnut-elle sans se départir de sa bonne humeur. Mais ce week-end j’avais mes règles, et elles sont douloureuses, donc on n’a rien fait. Maintenant j’en ai envie, seulement il ne rentrera que vendredi. Ceux que je rencontre c’est pour discuter, pour s’amuser. Je me ferai du bien toute seule.
Ce n’était sans doute pas une invite. Néanmoins, je décidai moi aussi d’abandonner le jus de fruit pour une boisson plus corsée. L’accompagner un peu pouvait décanter la situation. Viviane m’en remercia d’une œillade.
Je l’écoutai parler un long moment, posant une rare question de temps à autre, ou répondant à ses interrogations. Elle finit par commander un café, à cause du travail à assurer le lendemain. Sa contenance resta celle d’une jeune femme euphorique, mais pas ivre. Plusieurs fois elle évoqua la particularité du lieu dans lequel nous nous trouvions, sans jamais se moquer ni médire.
– Je n’ai rien contre, reconnut-elle à mon oreille, c’est juste que j’aime les mecs, quoi. Et toi, pourquoi tu ne les aimes pas ?
Je lui racontai ce souvenir au collège : la main baladeuse sur mes fesses, la gifle donnée, une convocation chez le directeur avec le prof principal. L’interrogatoire se résuma en une question : « Quel était ce problème avec les garçons ? » J’avais fait preuve de naïveté en imaginant un peu de compassion. Et ces deux spécimens de bipèdes représentaient la caste des mâles. Bienvenue dans l’univers controversé des adultes.
J’expliquai ma peur face au mépris, à la féodalité exigée par les jeunes coqs de l’endroit envers les filles, à la bestialité ressentie, aux regards insidieux, aux mains baladeuses et aux insultes face à mon refus de me laisser manipuler. C’était trop demander que d’exiger de moi autre chose que de l’effroi et du mépris.
Les deux hommes s’enlisèrent dans des explications scientifiques sur la puberté, le besoin de s’affirmer, la normalité de ces comportements. Le monde des adolescents ne se résumait pas à l’apprentissage des maths et du français, les petits garçons devaient faire leurs dents pour affronter un avenir incertain. Parfait ! Et aux filles dans tout cela, on leur enseigne la servitude ? Á subir en silence ? Á remercier « Messieurs » de l’attention qu’ils daignent nous accorder en nous reléguant au rang de simples courtisanes ?
Il n’y avait rien de normal à être la risée de la classe en voulant rester propre, rien de normal à traiter une fille de salope quand elle se refusait, rien de normal à se faire peloter dans la cour ou à la piscine. Certaines acceptaient, grand bien leur fasse. Alors pourquoi ces machos s’attaquaient à celles qui résistaient ? Tout cela n’avait rien de normal pour moi.
La menace de porter l’affaire devant mes parents puis à la gendarmerie incita les adultes à faire preuve de magnanimité. Le prof principal s’adressa à la classe, la paix revint. Trop tard et surtout absence de sincérité de sa part : j’étais devenue sexiste.
Va savoir pourquoi, chère Lola, jamais Viviane ne me demanda si j’avais eu une expérience lesbienne. Je lui aurais dit la vérité bien sûr, mais cet aveu aurait changé son regard sur moi.
Donc, au bout d’un moment, je la regardai se dandiner sur sa chaise. Son mal être soudain me mit en alerte.
– Ça ne va pas ?
Elle pouffa avant de se pencher une nouvelle fois à mon oreille pour une confidence.
– J’ai envie de faire pipi, mais je n’ose pas y aller toute seule. Tu m’accompagnes.
Ce n’était même pas une question. Et puis, je ne pouvais pas la laisser ainsi.
Viviane me tendit son sac à main avant d’entrer dans une des cabines. Dans son insouciance, ou débordante de confiance envers moi, elle se soulagea sans songer à fermer la porte. Mon regard se porta sur son intimité. Incapable de me raisonner, je la regardais, et elle parlait comme si notre comportement était normal.
La coquine s’essuya deux fois avec du papier toilette après avoir soulagé sa vessie, mais ne parut pas satisfaite du résultat. Quelle situation invraisemblable !
– Tu peux me donner une lingette ?
Elle n’aurait pas dit : « tu peux me donner une cigarette ? » sur un autre ton. J’ouvris son sac, trouvai l’objet en question, et n’eus d’autre choix que de pénétrer dans la cabine pour lui donner. Viviane se redressa, les cuisses écartées, le minou ainsi superbement exposé à mon attention, un triangle de poils noirs si minuscule qu’il ne cachait rien de sa fente. La première lingette utilisée finit sa course dans la cuvette.
– Donne m’en une autre, sourit-elle complice, je mouille.
N’y tenant plus, je fermai doucement la porte derrière moi. Elle me regarda approcher, sans peur ni enthousiasme, dans l’expectative.
Ouvrant ses lèvres intimes d’un doigt, j’en glissai un autre dans la vulve chaude et humide. Les chairs s’animèrent sous la sollicitation. Viviane se pencha en avant par manque d’équilibre, le menton au niveau de ma poitrine du fait qu’elle était légèrement accroupie, et se cramponna à mes épaules. La caresse resta légère jusqu’à entendre un premier grognement.
Alors, sans m’interroger sur ce que j’étais en train de faire, je la pénétrai de deux doigts. Sous le choc de se sentir investie de la sorte, Viviane leva vers moi des yeux brillants, sa petite bouche forma un O de surprise. Son vagin aspira mes doigts.
Je la masturbai vite et fort, à la recherche d’une délivrance rapide. Ce n’était pas la crainte d’une apparition dans le local des toilettes, mais simplement une volonté animale de la prendre ainsi, sans rien demander en retour que de profiter de sa jouissance. J’entrepris de mon autre main des caresses dans la zone clitoridienne, le bouton quitta son capuchon. Ainsi branlée, mon amante s’offrit sans détour.
Le résultat ne se fit pas attendre. Viviane ne tenta pas de retarder l’inéluctable. J’ignorais s’il s’agissait d’un véritable orgasme, mais ses soudaines contractions sur mes doigts traduisirent son état de transe. Elle me tendit ses lèvres. On s’embrassa presque sauvagement, dents contre dents, langue contre langue, avec des bruits de déglutitions. Sa bouche abandonna la mienne dès la fin des soubresauts de ses chairs autour de mes doigts.
Viviane rajusta son slip et son pantalon sans prendre la peine de se nettoyer avec la lingette que je lui tendais, le regard de nouveau calme, comme si rien ne s’était passé. On se lava les mains côte à côte à l’unique lavabo, sans un mot ni même un regard par l’intermédiaire de la glace.
On retourna s’asseoir, personne n’avait remarqué notre absence, ou personne ne s’en souciait. Elle commanda un café, moi un jus de fruit. On reprit notre discussion faite de futilités, comme s’il n’y avait eu aucun intermède.
Viviane demanda au chauffeur du taxi de me déposer, puis m’embrassa sur la joue comme une simple copine avant de poursuivre son voyage.
Une petite vidéo que j’aime beaucoup, ambiance érotique garantie.
Ma
chère Lola,
J’ai été heureuse d’avoir de tes nouvelles, de savoir que tout va bien dans ta vie d’étudiante à l’école d’infirmières d’Orléans. J’espère que nous aurons l’occasion de passer du temps ensemble aux vacances.
L’attitude de Sarah au réveil, le lendemain de ma nuit dans son canapé, me laissa un goût amer. Elle était redevenue la gentille copine un peu trop vieille pour chahuter avec une gamine comme moi. D’accord, elle a 27 ans et moi 18, mais en quoi cette différence pose-t-elle problème.
Dès le petit déjeuner pris dans la cuisine, j’ai eu l’impression d’être à l’école. Elle avait établi le programme de la journée avec minutie. Sarah voulait m’apprendre à choisir les vêtements pour mettre ma silhouette en valeur, à me maquiller, à m’épiler, à marcher, même à sourire. Des cours de maintien du matin au soir. On croirait qu’elle joue à la poupée et que je suis sa Barbie. C’est sympa mais frustrant.
Je lui signifiai en fin de journée mon intention de sortir. Sarah proposa une soirée au cinéma. Mais je désirais autre chose. Lola, tu connais mon entêtement, elle accepta de me guider à travers les établissements lesbiens du Marais.
On atterrit au Nix Café vers 21 heures. L’affluence du vendredi ne se compare pas à celle de la semaine, et trouver une table fut un exercice de patience.
– Je t’offre le champagne pour fêter notre future collaboration, balançai-je, heureuse de faire un geste.
En effet, Sarah avait pris la décision de me proposer un contrat le lundi suivant. J’avais accepté à la condition que ça ne m’empêche pas de reprendre mes études. Mon oncle Alain ne mérite pas d’être trahi. De plus, j’en ai réellement envie.
Nous ne restâmes pas seules longtemps. Les places assises en nombre limité par rapport à la foule présente, notre table se trouva envahie par des connaissances de Sarah. L’appréhension de la première sortie en public passée, je me sentais bien parmi ces jeunes femmes, entre 20 et 30 ans, à la conversation enrichissante. J’apprenais sans en avoir l’air à reconnaître une attitude, à capter dans un regard le message subliminal, à interpréter un geste anodin, à déchiffrer autant de signaux qui établissent le code lesbien dans son ensemble.
La butch est le type parfait de la lesbienne masculine, telle que les hétéros la représentent. Elle arbore sans complexe les attributs vestimentaires masculins, de la casquette au costume cravate, et assume sa sexualité comme une appartenance politique.
La fem, abréviation de féminine, donne une image totalement contraire. Elle abuse en général de maquillage, des talons démesurés, et dénature la mode féminine en la poussant à son extrême, par esprit de revendication.
La lipstick se distingue par la confusion qu’elle sème. Elle adopte le code vestimentaire et le comportement des femmes hétéros, et ne revendique sa sexualité par aucune marque visible. Les mecs la draguent dans la rue ou dans les bars, et s’étonnent de prendre des râteaux. Á l’inverse, on la laisse tranquille dans les lieux de drague lesbiens, croyant qu’elle s’est trompée d’adresse.
Ainsi, sans le savoir, je suis une lipstick, une image policée de la lesbienne bien intégrée dans la société. Cette représentation me convient. D’abord je trouve honteux un amalgame trop facile dans le comportement sociétal. On dit l’arabe, le noir, la lesbienne, le pauvre, et bientôt le malade à différencier du bien-portant ? Personne ne choisit sa couleur de peau, il n’est pas plus permis de choisir son orientation, c’est comme ça.
Pour l’heure, j’étais davantage tourmentée par le besoin de passer à l’acte que par l’avis de la société à mon sujet.
Sarah me présenta comme son nouveau model officiel. Son attitude à mon égard se voulait un savant dosage de protection, d’amitié, et d’un intérêt plus inavouable. Ce dernier point incitait ses copines à épier un mot ou un geste, le signe évident d’une liaison amoureuse en devenir. J’aurais voulu les contenter, mais je n’en avais pas le droit.
Ces nanas formaient une représentation assez juste de la société avec trois travailleuses et deux étudiantes, la sixième en recherche d’emploi. Sarah faisait le lien, elles m’intégraient donc à leur groupe avec bonhomie, et j’acceptais avec beaucoup de plaisir de suivre le mouvement. Il était facile de trouver des points communs à nos parcours respectifs. Je reconnaissais sans honte être novice dans le milieu lesbien, malgré la certitude de mon identité sexuelle ancrée depuis toujours en moi. Cette franchise provoquait des remarques compatissantes.
L’alcool me rendait euphorique, mes inhibitions tombaient les unes après les autres, et le sexe cessa d’être un sujet tabou. Ma niaiserie avouée ne provoqua aucune moquerie. Les fringues ne sont pas l’unique sujet de discussion entre nanas. D’abord la franchise du vocabulaire. Un cul est un cul, on parle de coucher pour une aventure sans lendemain, de faire l’amour pour un couple établi. C’est sans doute là, ma chère Lola, que la différence se fait entre le monde des adultes et celui de l’adolescence, le fait de ne pas être passée à l’acte n’est pas un prétexte à l’exclusion, mais plutôt à la compréhension.
Pour en revenir à la soirée, l’arrivée d’une jeune femme brune, environ 25 ans, provoqua un remous dans notre assistance. Elle toisa chacune d’entre nous, puis s’imposa sur la banquette à ma droite. Je me retrouvai donc coincée entre la nouvelle venue et Sarah, qui parut soudain moins à son aise. Malgré la gentillesse affectée, le malaise entre elles se devinait.
Muriel était en fait l’ex de Sarah, et la rupture remontait à moins d’un mois. Aucun doute, elles avaient éprouvé des sentiments l’une pour l’autre. Ne restait qu’une rancœur inavouable, comme une impression de gâchis.
Le débat reprit sur le sujet brûlant de la croisière annuelle organisée par un voyagiste, réservée aux lesbiennes. Certaines y voyaient l’occasion de s’amuser entre nanas, d’autres saisissaient un message politique. La discussion restait toutefois bon enfant, chacune respectant l’idée de l’autre. Moi, ignorante de l’existence d’un tel évènement, j’écoutais en silence. Quand soudain…
Une situation, dont j’étais le centre d’intérêt, devint pour le moins ambiguë : une main de Muriel se fit insistante sur ma cuisse. Sidérée par un tel comportement, je n’osais pas bouger, de peur que les autres ne se rendent compte du manège. Peut-être était-ce le geste amical d’une de ces personnes qui éprouvent le besoin d’établir un contact physique afin d’attirer l’attention, tout le monde connaît au moins un individu incapable de parler sans toucher le bras de son interlocuteur.
Attendre et voir venir, telle était mon intention. En fait, je n’ai pas eu à attendre longtemps pour la voir venir. Ses regards sur moi devinrent vite embarrassants, de véritables appels à une débauche charnelle, sa main glissa vers mon entrejambe. Muriel se moquait de mettre toute la tablée dans l’embarras. Dépassant ma timidité, je m’écartai d’elle. Le sursaut me projeta contre Sarah. Celle-ci posa un bras protecteur sur mon épaule, son regard soutenu investit le mien. Je devinai mon univers étroit sur le point de voler en éclats.
Elle se pencha, effleura ma bouche d’un doigt, comme on caresse un fruit avant de le goûter, pour enfin répondre à mes attentes. Ses lèvres humides se pressèrent contre les miennes, avides, tremblantes, chaudes. Je lui rendis son baiser, oubliant ma niaiserie, savourant la passion de cet instant magique.
Vexée de me voir préférer son ex, Muriel nous abandonna avant même d’avoir bu un verre. Personne ne sembla la regretter. Un doute s’insinua dans mon esprit : Sarah m’avait peut-être embrassée par esprit de compétition, pour ne pas laisser l’autre gagner la partie. Sa main droite toujours sur mon épaule, la gauche enserra mes doigts sous la table, dans un geste d’une exquise douceur. La magie perdurait.
Le fil de la soirée reprit là où il avait été abandonné au moment de l’interruption, comme le déroulement logique d’un film après un intermède publicitaire. Aucune autre marque visible de tendresse ne se fit en public, mais c’était sans importance. Même quand sa main droite déserta mon épaule, la gauche prolongea le contact avec mes doigts sous la table, comme une promesse.
La raccompagner chez elle s’imposa sans un mot à notre sortie du Nix Café, une entente tacite incluant tout ce qui pouvait, ou devait, arriver pendant la nuit. Notre démarche lente permit à mon âme de s’imprégner de ce moment particulier, une parenthèse avant le grand saut dans l’inconnu, un silence qui n’en était pas vraiment un, une acceptation de l’inéluctable. Et Sarah, à quoi devait-elle penser sur les sept cents mètres environ nous séparant de son nid. La clé dans la serrure brisa le silence, la porte se refermant sur nous claqua comme un avertissement.
On ne se jeta pas l’une sur l’autre, pressées d’en venir à l’essentiel. Nous demeurâmes un long moment dans l’entrée, entre la cuisine et le salon, les yeux dans les yeux, à nous laisser porter par nos émotions. On avait chacune les nôtres, il nous fallait les mettre à l’unisson avant d’aller plus loin, de passer le cap.
Je glissai dans ses bras, à la recherche d’un second baiser. De nouveau son odeur, ses mains sur mon visage, ses lèvres, sa bouche, sa langue lovée autour de la mienne. J’ignorais par manque de pratique si je m’y prenais bien, ça me plaisait, naturellement. Je me régalais de sa salive. Je portai dans l’ivresse de l’inconscience mes bras autour de son cou.
On se retrouva assises sur le canapé, à s’embrasser encore, un peu plus collées l’une à l’autre, nos jambes se cherchèrent, se frôlèrent, se trouvèrent. Rien de sexuel encore, juste un contact à travers nos vêtements, un flirt à peine poussé. Je caressai son visage tandis que ma langue fouillait sa bouche, j’apprenais à le reconnaître. Les bras passés sous les miens, Sarah s’accrochait à mes épaules, maintenait nos bustes soudés.
Quand le souffle nous manqua, chacune retira ses vêtements en silence, sans regarder l’autre. Puis, me tenant par la main, elle m’entraîna dans la chambre d’un pas redevenu lent.
Sarah assise à la tête du lit, moi lovée contre elle, nos corps firent enfin connaissance. Son sein gauche écrasé par mon sein droit, je caressai l’autre aussitôt. Sa réaction me ravit. Mon amante se prit au jeu et massa mon globe à pleine main. Mon premier soupir se perdit dans sa bouche.
Abandonnant mes lèvres, Sarah embrassa ce sein qu’elle câlinait si bien et goba mon téton qui s’allongea sous sa langue. La merveilleuse sensation me transporta. Á force de contorsion, je finis par lui rendre la pareille. Nous étions littéralement enchevêtrées comme des lianes, chacune un sein dans la bouche de l’autre.
Ma main libre partit à l’aventure sur son ventre, Sarah m’imita. Je jouai un instant les doigts dans sa toison, elle en fit autant. Puis, n’y tenant plus, j’investis son intimité. Je l’entendis déglutir de surprise, sa bouche collée à mon sein, et elle me rendit la politesse. On resta un moment ainsi à se masturber l’une l’autre, à amadouer nos chairs.
Prise d’une nouvelle appétence, Sarah se dégagea de mon emprise. Elle m’installa à sa place à la tête du lit et me régala d’un nouveau baiser. Puis, caressant mon corps de la pointe de ses seins, sa bouche dessina des arabesques sur ma peau. Après avoir honoré encore ma poitrine, elle ondula à reculons, son regard langoureux fixé au mien, jusqu’à se glisser entre mes cuisses écartées.
Ouvrant mes grandes lèvres avec ses doigts, Sarah plongea dans ma moiteur. Je ne pus retenir un feulement rauque. Elle investit ma grotte à la recherche du trésor tapi dans l’ombre. Une femme me léchait pour la première fois, rien n’avait d’importance que cette bouche ouverte sur ma fente, cette langue fouillant ma vulve avec avidité, l’impression d’être aspirée. Concentrée, je voyais son nez disparaître dans ma toison, et imaginais sa langue sur mes chairs révoltées.
Sarah ne me lâchait pas du regard, sans doute m’avait-elle installée en position assise afin d’en profiter, de lire la progression du plaisir dans mes yeux. Moi aussi je l’observais. Elle aimait me fouiller ainsi, savourer ma liqueur, jouer dans mes nymphes.
Mon amante maîtrisa la montée de ma jouissance, sa science amoureuse me laissait pantoise. Elle investit ma grotte d’un doigt jusqu’à l’entrée de mon vagin, et aspira mon clitoris entre ses lèvres. Ma vue se brouilla, mon ventre se comprima. Une sensation intense, inconnue, se répandit dans mon être. Sa langue sur mon bouton, ses doigts dans ma vulve, tout se mélangea dans mon esprit embrouillé. Je jouissais de mon premier orgasme.
La retombée fut lente, d’une exquise douceur, prolongée par une myriade de baisers éthérés, presque chastes, que Sarah distribua de mon ventre à mes seins. Je goûtai ses lèvres, ma langue se faufila entre ses dents, investit sa bouche, la fouilla comme elle venait de faire avec mon intimité. Je savourai sa salive pleine de ma cyprine.
Dans un mouvement tournant, je me retrouvai au dessus de Sarah, la position assise devenait inconfortable de toute façon. Son regard dans le mien lut mon désir de lui donner du plaisir, mais aussi une certaine hésitation. Peut-être, si nous avions été vierges toutes les deux, cela aurait rendu la chose plus facile.
– Ce n’est pas la peine, trésor, articula-t-elle d’une voix enrouée, tu n’es pas obligée.
Obligée non, désireuse oui. C’était à moi de jouer maintenant, de mener le bal. Je n’avais pas sa science amoureuse, cependant je voulais la toucher, lui rendre au moins en partie ce trop plein de bonheur qu’elle venait de me donner.
Penchée au dessus d’elle, le visage tout près du sien, mes longs cheveux encadrant nos deux visages dans un même écrin, je caressai ses seins d’une main, ils réagirent aussitôt. Le temps de butiner ses lèvres, ma main descendit sur son ventre. Sarah m’encouragea d’un sourire.
Après une dernière hésitation, les doigts perdus dans sa toison, je frottai ma paume contre ses grandes lèvres qui s’humidifièrent aussitôt. Son regard brilla d’une étrange lueur quand j’entrepris d’écarter les nymphes. Mon index et mon majeur fouillèrent sa grotte sans attendre. Sa moiteur me surprit.
Tendue, Sarah ouvrit de grands yeux devant mon audace, incapable de réprimer un soupir de volupté. Je caressais chaque recoin de sa vulve comme je le faisais à la mienne dans mes jeux en solitaire. Le fait de sentir des chairs inconnues s’animer sous mes doigts emplit mon cœur d’une joie indicible.
Mon amante referma une main sur mon poignet, je compris ce qu’elle attendait, mes phalanges se déplièrent. Sarah entama un mouvement de va-et-vient, se servant de mes doigts comme d’un jouet intime, elle se masturba sur ma main. Je titillai son clitoris de mon pouce.
Vite, bien trop vite, sa bouche s’arrondit, ses yeux se révulsèrent. Béate, j’assistai à la montée de son plaisir. Pressée d’en finir, elle accéléra encore le mouvement. Le clapotis de mes doigts dans son antre résonna dans la chambre.
– Jouis, mon amour, ne pus-je m’empêcher de murmurer.
Sarah expulsa une longue plainte à peine audible, son vagin se contracta. Elle se laissa aller à un orgasme rapide dont l’intensité me surprit. Les yeux béants sans me voir, la bouche ouverte, mon amante stoppa le mouvement de mes doigts, mais les conserva en elle jusqu’à reprendre son souffle. Le plaisir la rendait plus belle encore.
Enfin elle me regarda, un merci sous forme d’un sourire gravé sur ses lèvres tremblantes. Le regard planté dans le sien pour lui prouver mon envie, je portai mes doigts à mes lèvres, et léchai soigneusement mes phalanges mouillées de ses sécrétions. Ce n’était pas pour lui faire plaisir, je désirais vraiment connaître son goût.
Le moment de tendresse qui suivit ne pouvait pas être silencieux, il me fallait mettre des mots sur mes émotions. Toucher ainsi une femme, surprendre dans ses yeux la félicité chambouler son être, j’en rêvais depuis longtemps. Ce soir j’avais osé, avec des gestes maladroits, sans aller aussi loin que je l’aurais souhaité, mais ce premier pas m’ouvrait des perspectives infinies.
– C’était parfait, trésor, me répondit Sarah d’une voix tendre, vraiment intense. Tu t’es donnée sans retenue et tu m’as donné mon plaisir, je ne voulais pas qu’il en soit autrement. Quel pied ! ajouta-t-elle afin de dédramatiser. Pour une première, tu m’as filé un sacré orgasme.
Elle posa la joue sur mon sein droit, puis caressa l’autre d’une main distraite, comme on touche la joue d’une amie d’un geste tendre. J’aurais voulu lui dire « Je t’aime » mais je n’osais pas.
La
tentation du velours 3
Ma chère Lola,
Le souvenir des doigts de Sarah en moi hanta mon esprit toute la matinée du lendemain. Même dans notre folie adolescente, nous n’avions pas été aussi loin, il n’y avait pas eu un plaisir aussi intense, au point que maintenant faire l’amour m’obsède. Je ne sais pas si c’est normal. Peut-être qu’une fille ne devrait plus être vierge à 18 ans, ou peut-être que c’est juste moi.
L’arrivée de Sarah poussa la mamie voisine de palier, gentille mais bavarde, vers la sortie. Un coup de fil de mon oncle Alain, et elle se prenait pour mon chaperon. Mon amie – je la nommais ainsi car ce mot revêtait plusieurs perceptions – garda la porte ouverte jusqu’au départ de la petite vieille, une incitation à foutre le camp.
– Elle est un peu collante, dis-je en souriant une fois la porte refermée.
– La tristesse de la solitude n’est pas l’apanage des jeunes filles, répondit Sarah joviale après avoir posé une chemise cartonnée sur la table. Regarde ce que j’ai apporté.
Attirée comme une gamine par la promesse d’un cadeau, je me collai à elle afin de découvrir le contenu de la pochette surprise. Mon amie accepta le contact comme naturel, sans en tirer profit. Elle étala une quinzaine de clichés, certains en couleur, d’autres en noir et blanc. Cette jeune fille en balade dans Paris, tantôt rieuse, tantôt sérieuse, parfois rêveuse, était mon sosie, mais j’avais du mal à accepter que ce soit moi.
– Si tu avais vécu en ville au lieu de la campagne, on t’aurait déjà remarquée. Tu connais ta taille et ton poids exact ? demanda Sarah avec sérieux en sortant une calculette de son sac.
– Je fais… 1 m 75 pour 57 kg, hésitai-je abasourdie de connaître le jugement.
– Ton indice de masse corporelle est 18,6, conclut-elle de nouveau souriante, comme si notre relation dépendait du résultat de son calcul. Je pourrai déjà te faire signer un contrat.
Une impression de vertige me saisit, je désirais comprendre.
– De quoi tu parles, enfin ? Je vais reprendre mes études dans trois mois. Je suis trop grosse de toute façon. Et puis je croyais que… hier soir…
– Écoute-moi, trésor, le temps des mannequins anorexiques est passé, la santé de nos filles est trop importante. De plus, rien ne t’empêche de reprendre tes études, mais il faut de l’argent pour vivre à Paris, même si tu es logée gratis. Quelques photos, une pub par-ci par-là, ça te garantit un chèque à la fin de chaque mois. Quant à hier soir, ça a soulagé la pression.
« Soulager la pression » ! J’ignorais si je devais en rire ou hurler de colère. La première option permettait au moins de ne pas sombrer. Et puis, me faire appeler mon trésor m’avait comblée d’un bonheur indescriptible.
– Tu proposes quoi ? réussis-je à articuler sans trop bégayer.
– Je désire m’occuper de toi. Tu as un don certain, des avantages précieux dont beaucoup de jeunes filles rêvent, je peux t’aider. Pour le reste, je te préviens : je n’entretiens pas de relation avec mes models. Même si de temps en temps on… enfin tu vois ce que je veux dire, ça ne signifie pas que tu es ma nana ou moi la tienne. C’est clair ?
Refuser c’était courir le risque de la voir franchir la porte une dernière fois, tirer un trait sur le moindre espoir, cette perception d’un avenir sans elle me fit frémir. Tant que nous continuerions à nous voir, rien n’était perdu.
– D’accord. C’est quoi le programme aujourd’hui ?
– Tu as de quoi déjeuner ? Nous avons un après-midi chargé.
Nous entrâmes peu après 14 heures dans un salon de coiffure réputé, une véritable ruche dédiée à la beauté pour des clientes ignorantes de la crise financière. Sarah en fit le tour, accordant sans complexe une bise ou un mot sympa à chaque employée. L’une d’elles me poussa gentiment à une place disponible.
– Qu’est-ce qu’on fait ? demanda la jeune femme répondant au prénom de Gaëlle.
Je découvris avec stupéfaction dans le miroir que la question ne s’adressait pas à moi. Quatre mains s’occupaient de triturer mes cheveux, d’en apprécier la texture. Sarah donna ses consignes, sûre de son fait, en professionnelle, sans même prendre mon avis.
– Ne les coupe pas. Je veux quelque chose qu’elle puisse entretenir facilement, qui préserve sa fraîcheur. Un peu de volume, peut-être ondulés dès la mi-longueur.
– Le cheveu est épais, ce sera facile, sourit l’employée, les doigts engoncés dans ma tignasse. Je devrai sans doute les épointer.
Le comportement de Sarah me troublait. Peut-être était-ce sa manière d’exprimer un intérêt pour ma petite personne. Rassurée de ne pas voir mes longs cheveux coupés, je m’abandonnais aux mains expertes de Gaëlle.
– Qu’en penses-tu ? me demanda Sarah en sortant du salon deux petites heures plus tard.
Habituée au travail soigné, mais sans recherche, du coiffeur de notre bled, je reconnaissais sans mal le bien fondé des suggestions de Sarah. Je me sentais belle, et cette impression nouvelle me plaisait. Chaque vitrine devenait une glace dans laquelle m’admirer.
– Génial ! Mais l’ondulation va foutre le camp au premier lavage.
– Non, me rassura-t-elle. Tu as un fer à boucler ?
Jamais l’utilité d’un tel instrument ne m’avait effleurée. Sarah le devina à ma grimace.
– On t’en trouvera un, je te montrerai comment faire.
Nous marchâmes d’un pas tranquille. La présence de celle qui restait une belle inconnue à mes côtés s’imposait à mon esprit comme des plus naturelles, je devais jouer son jeu afin de mieux l’apprivoiser, de me rendre indispensable.
– Tu m’amènes où, maintenant ?
– Dans une boutique de lingerie à deux pas. Nous devons prendre soin de ta poitrine.
Nous ! Elle avait dit nous, et ce simple mot dans sa bouche enveloppa mon cœur d’une chaleur délicieuse. La sensation d’être amoureuse s’insinua en moi, même si ça semblait ridicule, ou pour le moins précipité.
Là aussi, Sarah entra en terrain conquis, saluant tout le monde. Mon œil de petite campagnarde habituée à être fauchée s’attarda sur l’étiquette d’une nuisette de satin. La valeur du bout de tissu m’aurait permis de faire les courses un bon mois. Une inquiétude me traversa l’esprit.
– Tu n’as pas payé chez le coiffeur. Et là, les prix sont…
– Ce sont des frais de gestion pour ma boîte, rassure-toi. Nous sommes sous contrats avec ces magasins, et bien d’autres.
Pas de doute, on me faisait entrer dans un monde à part. Sans plus de détails, Sarah étudia les soutiens-gorge. Elle en choisit trois avant de me faire entrer dans une cabine d’essayage assez spacieuse pour y installer une petite table et des rafraîchissements. J’allais me dévêtir sans soucis, la pudeur n’avait plus de mise depuis la séance de masturbation de la veille, quand une vendeuse nous rejoignit.
– Qu’est-ce que…
– Ce n’est rien, m’interrompit Sarah. Chloé est conseillère ici, elle m’aide souvent pour le choix du tissu et la profondeur des bonnets. On gagne un temps fou. Tu peux te déshabiller en toute tranquillité.
Plus facile à dire qu’à faire en de telles conditions, je satisfis tout de même à l’exigence. La psyché me renvoya l’image d’une jeune fille certes émue, mais pas rouge de honte comme je m’y attendais. Sarah dans mon dos, la vendeuse devant, les quatre mains sur ma poitrine, comme les quatre un peu plus tôt dans mes cheveux, me laissaient une impression de professionnalisme, loin du ressenti au sortir de la douche. Le plus long dans l’essayage fut de boutonner et de reboutonner ma robe.
– On prend les trois, indiqua Sarah sans perdre de temps, tu nous mets les slips assortis en taille 38. Pas de string, surtout, ni de dentelle rajoutée.
Un taxi nous déposa au bas d’un immeuble dans une rue située non loin de la mienne. Un petit ascenseur jusqu’au 3ème étage, je pénétrai dans un couloir. Pas le temps de jeter un œil au séjour sur la gauche ou à la cuisine sur la droite, encore moins à la salle de bain, Sarah m’entraîna par la main dans sa chambre. Ce comportement me choqua. Sans prendre la peine de me regarder, elle ouvrit les battants d’une armoire.
– Á poil, vite. Mets ça avec le soutien-gorge pigeonnant et le slip assorti. On doit arriver au restaurant à 20 heures au plus tard.
J’étais prise dans un tourbillon, sans volonté de me débattre tant la situation était loin de me déplaire. On s’occupait de moi pour la première fois de ma jeune existence. Pourtant, un signal d’alerte clignota dans mon cerveau, vite chassé par certains détails. Un coiffeur de renom ne pouvait se faire complice d’une personne malhonnête, de même que les employées d’une boutique de lingerie de luxe.
– Á quoi tu penses ? sourit Sarah en prenant le parti de me dévêtir devant mon inertie causée par une pensée pas très nette.
Ses mains se firent plus douces que dans la cabine d’essayage, son regard s’éclaira de nouveau à la vue de ma nudité. Je le ressentis comme une caresse.
– Je me demandais pourquoi tu fais tout ça, osai-je après avoir cherché les mots. On se connaît depuis deux jours, et tu fais des trucs insensés depuis ce matin.
– L’instinct, ma chère Anaïs, répondit-elle en me rhabillant dans les vêtements conformes à son choix, le pressentiment que nous allons faire de grandes choses ensemble. Regarde !
J’ignore ce qui me toucha, les mots lancés avec une désarmante certitude, ou mon reflet dans la glace au centre de l’armoire. Cette jeune beauté gainée dans une splendide robe cocktail bleu azur dont le volant tombait à mi-cuisses, serrée à la taille par une large ceinture bleu roi, c’était moi ? Pas le temps de m’interroger, on glissait mes pieds dans des escarpins dont le talon ne dépassait pas cinq centimètres.
– Tu es bien dedans ? demanda une voix posée.
– Peut-être un peu grand, répondis-je en tremblant.
Quelques secondes plus tard, Sarah me chaussait de nouveau après avoir glissé une semelle dans chaque chaussure.
– Une touche de fard à paupière, un soupçon de rose sur tes lèvres, et tu seras parfaite.
Parfaite pour quoi ou pour qui, il me restait à le découvrir.
La tête pleine des confidences de Sarah, de sa certitude de faire de moi un mannequin, de son empressement à m’offrir une soirée de rêve, des regards que je n’avais cessé d’attirer, je souris à l’avenir tandis que je pénétrai pour la seconde fois dans son appartement. Elle prit le temps de me faire visiter un agréable deux pièces cuisine à l’ameublement minimaliste d’un blanc épuré.
Son attitude dans la soirée me laissait un goût d’inachevé, presque la promesse d’un futur immédiat correspondant à mes espérances. Sans doute sa retenue vis-à-vis de moi tenait du désir de ne rien précipiter. C’était moi la petite campagnarde, mais elle qui se comportait avec un siècle de retard. J’acceptais sa réserve, prête à patienter le temps nécessaire, même si mon attitude ne laissait planer aucun doute.
– Mets-toi à l’aise, trésor, tu vas dormir ici. Je vais te donner une brosse à dents et une serviette, tu peux prendre un bain.
Á peine déshabillée, la magnifique robe posée sur le lit dans la chambre de Sarah, j’allais filer dans la salle de bain en sous-vêtements quand elle fit irruption, un mètre ruban à la main.
– Enlève tout, je vais prendre tes mensurations exactes.
Être nue en sa présence me gênait de moins en moins, son regard me mettait à l’aise. Elle opéra vite, avec attention, prenant soin de prendre des notes.
– C’est bien ce que j’avais évalué : 94, 66, 90.
– Qu’est-ce que ça veut dire ? demandai-je par acquis de conscience.
– Tes mensurations ne sont pas celles d’un mannequin de défilé, mais elles sont idéales pour les photos et même la pub télévisée. Avec l’expression de ton visage, on va faire un malheur. J’ai senti à notre première rencontre que tu étais faite pour ça, il n’y a aucun doute. Même Marc en est persuadé, et il en a vu passer devant son objectif. Ta présence crèvera l’écran, comme on dit dans le jargon du métier.
Puis, oubliant son travail, elle me prit par la main comme une gamine désireuse de s’amuser, et m’entraîna hors de la pièce.
Le temps de remplir la baignoire nous offrit l’occasion de chahuter, un instant décomplexé de franche camaraderie. Ce qui devait arriver arriva.
– Ah ! c’est malin, rit Sarah à gorge déployée. Je suis toute trempée maintenant.
– Tu n’as qu’à prendre le bain avec moi, balançai-je sans même une arrière-pensée.
La franchise me rattrapa pourtant quand la chemise glissa sur sa peau légèrement hâlée. Elle s’était retournée afin de suspendre ses vêtements à la patère, m’offrant la vue du triangle de son dos. Le ballet des mains occupées à dégrafer le soutien-gorge étira ses muscles fins de l’omoplate à la hanche arquée. La chorégraphie s’emballa, Sarah fit glisser le pantalon et le slip d’un même mouvement sur ses cuisses pleines sans excès de sportive du dimanche. Ses longues jambes tressaillirent jusqu’à fouler le tissu aux pieds. Mon regard remonta jusqu’aux fesses rondes juste avant qu’elle ne se retourne.
Le mouvement m’offrit la vision fantasmatique du mont de Vénus le bien nommé, recouvert de courts poils brun cachant à peine la peau, la toison en pointe de flèche semblait indiquer le chemin à suivre. Mon regard choisit l’itinéraire inverse cependant, et remonta le long du ventre plat aux abdominaux sous-jacents. Les seins, hésitants entre la poire et la pomme, tendaient vers l’avant comme une invitation aux caresses. Le téton sage dans la petite aréole quémandait les baisers.
– Ça va ? Tu te rinces bien l’œil ? s’amusa Sarah sans se dérober à mon regard.
– Tu es belle.
Cette remarque était évidente, tout aussi évidente la raison de lui donner mon impression. Sans doute le savait-elle, le compliment la fit tout de même rougir.
– Tu me fais un peu de place, sourit-elle en s’installant face à moi dans la baignoire, mêlant ses jambes aux miennes.
Le contact me ravit. On resta un moment à s’observer, les yeux dans les yeux, chacune tentant de lire les pensées de l’autre. Les miennes me trahirent sans doute, car mon amie me demanda de me retourner.
– Viens là, je vais te laver.
Installée entre ses cuisses écartées, mon dos écrasa sa poitrine. Cette posture prit la dimension d’une caresse, car je sentis les pointes durcir.
– Tu n’as jamais fait des choses avec la copine à qui tu écris ? demanda-t-elle l’air de rien. Au collège et au Lycée, même les filles hétéros ont souvent des petites histoires entre elles, comme des expériences.
J’espère que tu ne m’en voudras pas, ma douce Lola, de lui avoir raconté nos jeux, nos baisers, nos caresses maladroites, cet étrange ressenti qu’on ne peut pas qualifier de plaisir sexuel au sens propre du terme. Je voulais sans doute la rendre jalouse.
Sarah se lova autour de moi comme une contorsionniste. Ses mains en guise d’éponges, elle massa mon dos au point de détendre chacun de mes muscles. La lenteur de ses gestes me tirait des soupirs de bien-être. Elle posa la joue sur mon épaule gauche, me sourit. La proximité des lèvres brillantes en faisait des fruits tentants. Je me retins à grand peine de mordre dans la chair pour ne pas rompre le charme.
Ses mains abandonnèrent mon dos, se faufilèrent devant. Entre palpation et caresse, mes seins enflèrent, mon ventre durcit. Sarah massa mes globes de l’intérieur vers l’extérieur, frôlant d’un doigt mes tétons à chaque passage. Elle s’amusa de leur réaction d’orgueil.
– Ils sont sensibles.
Je répondis sans parler, d’un simple hochement de tête. Depuis la puberté, j’avais appris à les caresser, à maîtriser le bonheur simple de les sentir vibrer sous mes attouchements plus ou moins appuyés. Ce n’était pas un moyen de parvenir à la conclusion, mais cela permettait de décupler mon plaisir lors des séances de masturbation.
Une main toujours sur mes seins, l’autre glissa de mon ventre jusque dans ma toison. D’abord immobile, Sarah entreprit de masser mon pubis. La caresse sensuelle de sa paume sur mon bas-ventre me tira un frisson, mon sexe s’ouvrit sans être sollicité.
– Tu as froid ?
– Non, balançai-je sans mentir.
– D’accord ! J’ai compris. Il faut vraiment qu’on fasse quelque chose pour ta virginité, tu ne sais pas te tenir en compagnie.
Seule dans le clic-clac du salon, engoncée dans le pyjama qu’elle m’avait prêté, je peinais à trouver le sommeil, triste de ne pas profiter du lit de Sarah. Une fois encore son baiser n’avait touché que mon front.
Je ne sais plus où j’en suis, Lola. J’ignore si c’est l’amour ou simplement mes hormones, je la désire, je veux lui appartenir. Il me reste tant à découvrir, tout en fait. Je vais devenir folle si rien ne se passe.
Bonne nuit, ma tendre amie.